Anthony Josse, au travers de l’interview qu’il nous a accordée, nous parle de son groupe HEADCHARGER, de son parcours de musicien mais aussi de son travail en tant qu’ingénieur du son.
Salut Antony ! Je t’ai vu sur scène et tu avais l’air de t’éclater. Comment s’est passé le concert ?
Plutôt cool ! Faut dire qu’on avait passé la journée sur la route, c’est pas l’activité la plus sympa du monde, du coup dans ce genre de cas le soir on essaye de profiter à max. L’accueil en tout cas était super sympa, on a goûté des spécialités locales dans un chalet encerclé par la neige jusqu’à 5h du matin… on a passé un bon moment ! Dans les trucs moins cool, on a failli se faire écraser par notre propre camion qui a glissé sur la neige alors qu’il était stationné et qu’on était en train de prendre nos valises dedans. Heureusement une valise s’est coincée sous une roue et le camion s’est arrêté au bout de 2, 3 mètres alors qu’on était juste derrière. Sacrée frayeur.
En effet, sacré programme ! Pour les personnes qui ne connaissent pas encore HEADCHARGER, peux-tu en faire une brève présentation ?
Nous sommes un groupe originaire de Caen en Normandie, et nous existons depuis 10 ans. Le style a évolué au fil de nos 5 albums en partant du hardcore-métal pour arriver à un mélange de stoner et de hard-rock qui lorgne guitaristiquement du coté du classic rock : Thin Lizzy, Lynyrd Skynyrd, Black Sabbath…. La formation a toujours été plus ou moins stable, sauf pour les batteurs, on en a bouffé quelques uns ! Le dernier arrivé est Rudy, et je crois qu’il est parti pour rester un moment dans l’équipe.
Merci pour ces explications. Parlons un peu de toi maintenant, dis nous comment es-tu tombé dans l’univers de la musique et de la guitare en particulier ?
Je crois que j’ai commencé la guitare à peu près au même moment que j’ai commencé à aimer écouter de la musique, (vers 13 ans), mais en fait les deux choses pour moi étaient un peu dissociées. Mon frère, qui est plus âgé, faisait de la guitare depuis un moment déjà et je trouvais ça super esthétique de le voir jouer, le mouvement des doigts, la gestuelle globale du guitariste, etc. Je crois que c’est ça qui m’a motivé au départ… en plus de vouloir copier mon grand frère ! D’ailleurs au passage, je vous encourage à aller regarder ses vidéos sur internet, son pseudo c’est Steakhach, et il a gagné plusieurs concours internationaux de guitare, dont tout récemment le concours de solo organisé par OBITUARY à l’occasion de la sortie de leur dernier album.
Pour revenir à ta question, à cette même période, je connaissais mes premières émotions musicales, avec IRON MAIDEN…. et U2 ! A l’époque il n’y avait pas internet, il n’y avait donc pas une offre musicale illimitée et l’accès à la musique était plutôt une histoire de rencontres, c’était plus humain finalement. On se filait des cassettes copiées et comme tu avais que ça à te mettre sous la dent, tu l’écoutais 400 fois même si au départ ça ne te plaisait pas. J’aimais bien ce rapport à la musique, prendre le temps de découvrir un album, d’en apprécier la complexité. Maintenant tu mets You Tube et si le morceau t’accroche pas dès les 10 premières secondes, tu passes à autre chose… je suis le premier à faire ça, mais ça me fait franchement chier. C’est pour cette raison que je continue de me forcer à acheter des disques et à me poser pour les écouter. Le fait qu’un morceau soit facile à écouter au premier abord est devenu une qualité, moi je pense l’inverse. Est ce que Wish You were Here de Pink Floyd aurait cartonné en 2015 ? J’ai bien peur que non.
Quelles étaient tes influences à l’époque ? Et quelles sont-elles aujourd’hui ?
Mon premier kif, IRON MAIDEN sans conteste avec leur album Seventh Son of a Seventh Son. Un pion du collège me l’avait copié et c’est la première fois que j’ai ressenti physiquement une émotion à travers la musique. C’est sans doute de là que me vient l’amour des harmonies de guitares qu’on utilise beaucoup dans HEADCHARGER.
S’en est suivi une progression logique, un peu la même que tout le monde à l’époque, GUNS N’ ROSES, METALLICA, et puis la scène grunge… en parallèle j’étais fan de truc plus pop, U2 et Pink floyd en tête.
Depuis je me suis ouvert à tous les styles de musiques sans exception, je suis archi difficile mais je ne fais pas de distinction entre styles. Pour moi de la bonne musique c’est de la bonne musique, de la merde c’est de la merde, et ce quelque soit le style de musique. J’écoute beaucoup de pop, beaucoup d’électro, de hip-hop, d’expérimental, je m’intéresse aussi énormément aux différentes musiques traditionnelles, notamment celles de l’Europe de l’est et l’Asie… Bien sûr j’ai quand même encore des groupes favoris, mais je n’ai pas vraiment l’impression que ça m’influence plus que ça.
Tu es donc très éclectique ! Peux-tu nous parler de ton matériel musical de l’époque et quel est-il aujourd’hui ?
J’ai commencé avec une Aria Pro II noire, une sorte de copie de guitare de métalleux de l’époque. J’avais un ampli de merde dont je me rappelle même plus la marque… j’ai tout revendu assez vite pour passer à plus gros. Je regrette juste d’avoir vendu ma pédale Marshall Guv’nor de l’époque, maintenant elle a un peu la cote, et puis j’aime bien cette pédale.
Ensuite je suis passé à un ampli Peavey Bandit 112 que je mettais à fond en répét’… c’est là où j’ai commencé à découvrir la joie d’avoir des acouphènes ! Ma première bonne guitare était une BC Rich Warlock. Je l’avais achetée pour le look, sans même l’essayer !
Pour HEADCHARGER, je joue principalement sur une Gibson Flying V reissue 67 avec des micros Alnico (que j’ai d’ailleurs aussi acheté pour le look sans l’essayer !) J’ai plusieurs autres guitares, mais pour jouer au quotidien j’utilise tout le temps une vieille Squier Japan Strat dont j’ai changé les micros. C’est une gratte incroyable, la lutherie est mortelle pour une guitare que j’ai payée 300eu !
En ampli j’utilise une tête Sunn Model T sur un baffle Orange. J’ai eu l’occasion d’essayer plein de combinaisons différentes, et la Sunn me convient très bien, et la combinaison avec la baffle Orange est super. Le tout reste très dynamique, très répondant aux attaques, même avec pas mal de disto à l’opposé des sons « modernes » des têtes actuelles. J’utilise quand même un léger overdrive juste pour compresser un peu le son, parce que dans le cadre de HEADCHARGER, le tout manque des fois un peu de densité… c’est le revers de la médaille d’un son respectueux de tes nuances de jeu.
Pour compléter je suis un gros taré de pédales d’effets j’en ai des tas et des tas. Évidemment dans HEADCHARGER, la musique ne se prête pas vraiment à la débauche d’effets, mais j’adore trifouiller les sons ! Dans le cadre de mon taf en studio, j’ai un deal avec Filling Distribution, un distributeur d’effets pour guitare, ils m’envoient plein de pédales mortelles pour que je les essaye, c’est plutôt cool, sauf pour mon porte-monnaie ! En fait si on devait compter, je pense que j’ai dépensé 5 fois plus dans les pédales que dans tout le reste de mon matos réuni !
Justement, cela lance ma question suivante : tu es également ingénieur du son, est-ce, à ton avis, un avantage ou un inconvénient ?
L’avantage c’est que je passe ma vie à produire/enregistrer d’autres groupes, du coup je peux leur piquer des riffs ! Plus sérieusement, je n’y vois que des avantages, parce que mon travail d’ingénieur son est un boulot de réalisateur artistique, c’est à dire que mon boulot de tous les jours est un travail musical et artistique, l’aspect technique n’est qu’une part du travail, pas l’essentiel. Je plains un peu ceux qui ne font que du technique (mastering, radio, télé, synchro ou je ne sais quoi d’autre) car je crois vraiment que de ne penser la musique qu’en termes techniques peut vite te pourrir les oreilles et te faire oublier les aspects émotionnels, sensoriels et te faire perdre la subjectivité qui fait partie intégrante de la musique. J’entends tellement de gars s’extasier sur un disque parce que le son est mortel… dans la vie de tous les jours, le son d’un disque je m’en fous, enfin en tout cas c’est pas le truc que je remarque à la première écoute, j’écoute le contenu avant de prêter attention à la forme.
Pour moi la technique je l’ai apprise (et je continue d’en apprendre tous les jours !) mais c’est pour mieux pouvoir l’oublier, le rapport au son doit rester quelque chose d’instinctif, et de ludique aussi.
En parlant d’expérience “ludique”, te souviens-tu du premier concert que tu aies vu/donné ?
Pour mon premier concert, on avait convaincu le principal de notre lycée de jouer dans le hall. A l’époque on n’avait pas encore le réseau pour trouver les musiciens qu’il fallait et du coup le groupe n’avait ni batteur, ni bassiste, ni chanteur mais par contre, on était trois guitaristes ! On faisait essentiellement des reprises des trois premiers albums de METALLICA. Bref, groupe sans aucun intérêt, mais nous on y croyait à fond ! De nous trois je crois que je suis le seul à être encore à fond dans la guitare, les autres ont grandi et sont passés à autre chose !
Peux-tu nous expliquer comment les morceaux sont composées dans HEADCHARGER ?
Les riffs sont souvent amenés par Romain (le bassiste) et David (l’autre guitariste), ensuite tout passe par la moulinette du groupe en répète. Ensuite on pose le tout sur ordi pour en faire des maquettes sur lesquelles Seb, le chanteur, pose ses voix. A partir de là on fignole, rebosse les plans, remet en cause un peu tout, jusqu’à ce qu’on arrive à un résultat qui nous satisfasse. En général un titre sur deux finit à la poubelle parce qu’on est super exigeants.
Vu que j’ai mon propre studio, on essaye aussi, à différentes étapes de la gestation d’un disque, de les enregistrer « pour de vrai » en condition studio, ça permet de mieux préparer l’enregistrement définitif.
D’ailleurs en parlant de disque, comment a été accueilli le dernier album par le public et par la presse ?
On a eu un très bon accueil, ce qui nous a passablement rassurés parce qu’à la sortie du studio on avait un peu peur du résultat… mais bon, tu ne peux pas être objectif sur ta propre musique, surtout quand vient le moment de poser sur disque deux années de travail, c’est de toutes façons un moment stressant de remise en question.
En tout cas, l’accueil des gens et de la presse nous a rassurés, on est arrivé là où on voulait aller, c’est à dire un disque plus brut, plus rock, plus proche de l’énergie qu’on dégage sur scène. On nous a souvent reproché le coté « clean » de nos disques par rapport à l’énergie rock qu’on balançait sur scène, on a donc pris le risque de repenser notre manière d’enregistrer pour arriver à un résultat différent. C’était plutôt inconfortable de ne pas être dans nos petits chaussons comme d’habitude, mais au final le résultat en valait la peine. Faut dire qu’au moment d’enregistrer un 5éme album, tu es aussi un peu obligé de te forcer à faire différemment pour éviter de te lasser et de lasser les auditeurs.
Quels sont les plans pour HEADCHARGER dans le futur ? Et tes plans en tant qu’ingé son ?
L’avenir de HEADCHARGER est un peu flou pour le moment, on reprend tranquillement la composition, mais je pense pas qu’on ressorte un disque en 2015. On a sorti 5 albums en dix ans, c’est un rythme relativement soutenu, on verra donc pour la suite. J’adorerais sortir un disque de reprises, ou un disque d’inédits… un truc qui change d’un album standard. Mais bon ce que je te dis n’engage que moi, ce n’est pas une volonté du groupe pour le moment.
En tant qu’ingénieur du son, il y a pas mal d’albums que je produis (enregistrement et mixage), qui vont sortir cette année. Il y a Ghost Friends, groupe à tendance grungy avec des anciens membres de Concrete Knives et Goldwave, Lost In Kiev, super groupe de Post rock, et puis il y aussi Brent Spar, un projet à mi chemin entre folk et electro, entre Bjork et Bashung, dont l’album est vraiment prometteur, et en vrac, il y aura aussi Mynd, The Goggs et j’en passe… tu l’auras compris je bosse comme un malade ! Je vous encourage à aller liker la page des Studios Télémaque sur Facebook, vous verrez aussi le travail des autres mecs qui bossent là bas.
Et pour finir, les premiers titres de mon nouveau groupe devraient bientôt voir le jour, mais pour le moment c’est top secret ! Je peux juste te dire que les fans de HEADCHARGER risquent d’être surpris.
Tu as donc une actualité très chargée ! Sur le plan instrumental, quel est ton échauffement/entrainement standard à la guitare ?
L’échauffement c’est important, mais j’ai pas de « pirouette » particulière, j’essaye juste de me relaxer. Même pour jouer une musique tendue, rien ne vaut l’attitude relax, aussi bien musculairement que psychologiquement. Enfin c’est ma vision des choses. Avant un concert je joue tranquillou jusqu’à ce que je me sente bien sur mon instrument, de l’oublier en fait, faut qu’il fasse « partie de moi ». Ensuite avant de monter sur scène on s’envoie quelques titres sur des petits amplis pour se mettre dedans et faire monter un peu l’adrénaline nécessaire pour envoyer un bon show !
En ce qui concerne l’aspect pédagogique, je continue de bosser mon instrument tous les jours, mais de plusieurs manières différentes. Je travaille la musique plus que je ne travaille la guitare. Je ne crois plus au rabâchage de plans archi compliqués, c’est important au début pour te créer un bagage technique, mais il ne faut pas se contenter de ça.
En ce moment par exemple, je bosse plutôt sur la théorie en l’appliquant de manière immédiate à la guitare, je bosse notamment les modes autres que les modes « standards », comme ceux des musiques tziganes ou orientales, c’est vraiment super intéressant. Concrètement ça ne me sert pas plus que de bosser du sweeping à la quintuple croche, mais à la fin de la journée j’ai progressé en tant que musicien, alors qu’il y a dix ans, en fin de journée j’avais juste mal aux doigts !
Tu sembles avoir roulé ta bosse, du coup quel(s) conseil(s) pourrais-tu donner à un débutant ?
Le travail ! Le talent n’existe pas, seul le travail te permet d’être un musicien correct. Le piège aussi c’est qu’on intègre moins facilement les choses quand on vieillit, du coup il ne faut pas négliger le boulot au début. Le truc cool à la guitare c’est que tu peux bosser en prenant ton pied, c’est pas comme le violon ou le saxo, où la première année tu n’arrives pas à sortir une note correcte, et en plus bien souvent on t’oblige à bouffer du solfège dès le début, et commencer par le solfège c’est pas très marrant. Donc ouais si j’avais un conseil, c’est bosser et de le faire avec enthousiasme et envie, ensuite les choses viendront naturellement, comme le sport, le plus dur c’est de s’y mettre mais après ça devient addictif. Deuxième conseil, jouer assez vite en groupe, parce que le placement de la guitare dans un groupe fait partie intégrante de la manière d’aborder l’instrument.
Mon dernier conseil c’est d’être ouvert à d’autres formes de musiques, je crois par exemple que je n’ai jamais autant progressé à la guitare qu’à la période où je n’écoutais que des groupes où il n’y avait pas de guitares !
L’interview arrivant à sa fin, si tu as quelque chose à dire ou à partager, c’est le moment…
J’en profite juste pour te remercier toi et ton site, c’est vraiment cool les sites comme ça. Depuis que je l’ai découvert j’y jette régulièrement un œil ! Je vous souhaite bonne continuation !
Interview réalisée par Geoffroy Lagrange, merci à lui !
Relecture effectuée par Madlyn.
Crédits photos : Mr. Zine, F. Lampin et @jb_quentin
HEADCHARGER
Site internet : http://www.headcharger.com/
Page Facebook : https://www.facebook.com/headchargerband?fref=ts
Merchandising : http://headcharger.bigcartel.com/
Studios Télémaque : https://www.facebook.com/LesStudiosTelemaque?fref=ts
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