Yann, guitariste de Mass Hysteria, revient sur la création du groupe, sa discographie, et parle de sa vision de la scène metal française.
Salut Yann, merci de nous recevoir. Dis nous, qu’est ce qui t’es arrivé pour avoir envie de jouer de la guitare dans un groupe de metal ?
Ben j’ai découvert AC/DC à 9 ou 10 ans je crois, et à partir de là c’est ce que j’ai voulu faire je crois. J’ai toujours voulu faire ça et voilà, j’ai eu des groupes très tôt, puis voilà, j’ai rencontré les gars de Mass Hysteria
et puis voilà.
Tu les as rencontrés assez tôt dans ta « carrière », dans ton parcours ?
Ouai, j’avais un groupe de death metal avant et on répétait dans le même studio. Et eux en fait, il y avait un groupe qui s’appelait ANCALAGON qui se séparait et quand MASS HYSTERIA a commencé moi j’étais avec mon autre groupe et j’adorais ce qu’ils faisaient donc du coup j’étais toujours dans le studio avec eux, mais comme des potes en fait.
Puis un jour ils m’ont dit « Mec, ça te dit pas de venir jouer avec nous ? Notre guitariste se barre. » Alors j’ai dit ok, voilà.
Du coup, est-ce que les influences que tu avais à l’époque, est-ce que tu les as gardées ou est ce qu’elles ont évolué avec le temps et avec la modernisation du modèle ?
Oh, je les ai gardées, puis avec les années tu accumules plein de choses. Par contre j’ai toujours les mêmes influences.
Tu intègres Mass Hysteria
en 95 et le premier album “Le Bien-être et la Paix” sort en 97. Du coup j’étais curieux, qu’est-ce qu’il s’est passé durant ces deux années-là et quels souvenir tu t’en as de toute cette période d’avant la sortie du premier album ?
En fait, pendant deux ans Mass Hysteria
se construisait, tu fais des maquettes et des gens s’intéressent à toi, c’est un petit peu hallucinant tout va un peu vite. Tu fais des concerts et voilà puis un jour tu signes et après faut enregistrer l’album donc tout ça ça prend un peu de temps. Et voilà, pendant deux ans on s’est préparé puis on a sorti le premier album et puis voilà.
Ouai, c’était déjà bien “Le Bien-être et la Paix”.
C’est ça !
Là vous avez joué donc je vous ai vu tout à l’heure. Donc du coup pour toi c’est tout frais, c’est quoi tes impressions à chaud ?
J’ai trouvé le public plutôt réceptif, donc à partir de là j’ai trouvé ça cool, carrément.
Et vous aviez l’air de vous amuser.
Ouais, c’était cool !
Quelle la différence peut-il y avoir pour vous, autant dans la préparation que dans le vécu sur scène entre un concert comme ça dans un festival et un concert seul, avec MASS HYSTERIA et la première partie ?
Là c’est un gros rendez-vous, si tu veux le Hellfest, tu fais ton concert et tu sais aussi qu’il y a des gens qui te connaissent pas.
Le challenge c’est de convaincre un peu ceux qui ne sont pas là spécialement. Mais bon il y avait vraiment du monde, c’était un peu fou.
De la même façon, est-ce que vous vivez le concert différemment si c’est en France ou si c’est à l’étranger ? Y-a-t-il une réelle différence ?
Oh oui, carrément. Déjà à l’étranger il y a moins de monde. Quand on va au Québec ça marche un petit peu comme ici, un petit peu moins parce qu’on y va moins souvent mais le Québec c’est vraiment vraiment mortel
On a fait des festivals en Allemagne devant 7 000 personnes où c’était pareil, mais ça devient plus compliqué de sortir les disques quand tu chantes en français.
Un bon concert, ça tient aussi à une bonne setlist, et du coup je voulais savoir comment vous la montez cette setlist, est ce que c’est quelque chose de commun, est-ce que la prod interviens ?
Oh non, nous on fait tout nous-même. On en a même des différentes des fois, suivant les soirs, si on joue dans un coté de la France où on a joué plusieurs fois, on essaie de pas faire la même chose. Après c’est un peu compliqué parce qu’on a un showlight qui est quand même…
Notre éclairagiste il est hyper calibré donc lui il a tout un programme de fait sur une setlist et donc ce n’est pas évident de le faire mais en tout cas on le fait des fois.
En tant que guitariste j’ai envie de savoir quelle config t’as utilisé, par exemple ce soir ?
Alors moi je suis très très simple, j’ai une tête Mesa Boogie Rectifier et c’est tout, je suis en direct dans ma guitare, dans ma tête. Et je suis sponsorisé par Ibanez, j’ai joué longtemps sur Gibson et là j’ai trouvé une Ibanez qui me plait vraiment. Donc voilà, c’est vraiment ma guitare en direct dans l’ampli. C’est tout.
J’étais curieux, on entend, il y a des samples qui sont lancées sur scène sur quelques-uns, j’étais curieux de savoir qui les lance ?
Le batteur. C’est le batteur qui enclenche le truc et après on part dessus.
On est dans une période où la vente de cds physique est difficile. Les live et les tournées ont pris plus d’importance que ça en avait à une époque où on faisait uniquement que de sortir des cds et on faisait un concert de temps en temps. Et je crois qu’aujourd’hui, tu es d’accord avec moi ça s’est un petit peu inversé.
Ouais, ton cd ça devient presque un truc promotionnel pour tourner. Et ce qui est dur quand tu es en France, bien que nous sommes un peu privilégiés parce que on en vend encore des disques, et puis on tourne beaucoup. Mais c’est hyper dur pour certains groupes parce qu’effectivement les ventes de disques sont devenus catastrophique. Et donc du coup, quand tu vends pas de cds ben c’est dur de… Du coup l’un ne va pas sans l’autre donc c’est un petit peu compliqué.
Le dernier album date de moins d’un an, c’était en octobre. Je voulais savoir actuellement comment travaillez-vous sur la réalisation d’un album ? Est-ce que vous travaillez tous ensemble ? Est-ce qu’il y a une personne qui amène des compos, une base sur laquelle les autres construisent ?
Ben moi j’emmène un peu tous les riffs, j’en sélectionne ou en supprime. J’en ai beaucoup dans mon téléphone en général. Mais je fais déjà un tri, puis je ramène cette sélection en répèt’, on fait tourner tous ensemble et on voit si ça le fait.
Et Mouss pose les paroles dessus.
Tout à la fin, Mouss il attend que le processus de compo soit terminé et il se pose vraiment limite, il y a des textes qu’on n’entend même pas avant l’enregistrement de l’album. C’est vraiment tout à la fin, tout à la fin. Des fois c’est un peu stressant. Non mais c’est cool, on a toujours fonctionné comme ça.
De votre point de vue, comment se place le metal dans le paysage musical français ? Est-ce que ça a évolué, est-ce qu’on est bloqué ?
Je trouve que ça évolue parce qu’il y a beaucoup de gens qui en écoutent. Et que on a l’impression de pas avoir besoin des gros médias, enfin les puristes vont dire qu’on en a pas besoin. Mais les puristes ce qu’ils ne comprennent pas c’est que sans les gros médias du coup les groupes qui essaient d’en vivre c’est plus dur.
Parce que tu vois ne serait-ce que s’il n’y avait qu’une Victoire de la musique pour le metal, pour le rock metal ça dégagerait une audience qui fait que ces groupes là peut-être qu’ils vendraient un peu plus de disques et qu’ils pourraient plus vivre de leur production.
Alors évidemment comme je disais, les puristes y veulent ça autrement… mais moi aussi hein, j’en fais partie, mais par contre je suis aussi dans le cas de figure où nous on essaye de vivre de notre musique et que c’est pas évident.
Si tu vas en Suède, en Angleterre même au Portugal, partout tu as des remises pour le metal en fait. En France, ça n’existe pas, parce que c’est pas dans notre culture et que c’est dommage parce que du coup tu vois il y avait que Patrick Roy qui essayait de faire quelque chose pour ça, qui a aidé GOJIRA
Tu vois par exemple GOJIRA, METALLICA les invitent sur leur tournée, ils les ont invités sur dix dates, mais au bout de quatre dates tu es obligé d’arrêter parce que en fait c’est pas payé tu vois. Donc du coup, si tu as pas les thunes pour faire tous les voyages, tous les trucs, ça coute une thune monstrueux, et bah tu peux pas le faire.
Alors que si, tu vois par exemple une artiste comme ZAZ, qui cartonne, elle elle est dans la variété ben là l’état français lui paye tout. Quand elle tourne dans le monde machin en Allemagne, partout ben c’est l’alliance française qui paye tout.
Donc voilà, c’est juste à ce niveau là où des fois, si le metal était un peu plus reconnu par les gros médias, on pourrait peut-être avoir plus d’aide et faire plus de choses tu vois, sans forcément baisser notre froc ou quoi que ce soit… je sais très bien qu’on a pas besoin.
Aujourd’hui on a un des plus gros metal festival en France qui est le Hellfest, mais ça continue de fermer les yeux parce il y a que des grosses guitares… Par contre on cautionne le Hip-Hop avec des paroles complètement folles et ça voilà c’est juste ça.
Après je parle de toute cela mais tu sais les Victoires de la musique, c’est pas mon émission du tout, je regarde jamais mais voilà c’est juste si on avait un peu d’aide ça serait bénéfique… Lorsque je dis nous je ne parle pas de MASS HYSTERIA mais du metal en général. Çà ferait du bien.
Et pourtant j’ai l’impression que le metal français a plutôt une bonne presse à l’étranger.
Oui ! Déjà tu as GOJIRA qui aide bien. Je suis tellement fier que ce soit ces mecs là qui représentent le metal dans le monde, surtout que c’est en train de devenir pour moi l’un des plus gros groupes. Et je suis hyper fier de ça. Et effectivement tu en as plein d’autres, il y a plein de super groupes en France. Faut le faire savoir.
On revient à vous, à MASS HYSTERIA. Est ce que tu peux me décrire ce que tu as ressentis pour chaque album. Par rapport à quelque chose soit que tu as vécu, un bon souvenir ou non, etc
Le bien être et la paix, 1997 : première signature avec le label. Tu pars enregistrer et c’était quand même un peu à l’arrache.. Je me rappelle, tu emmènes le matos dans une bagnole, tu vois y a pas de place, on est à 6 dans une caisse.. Ben voilà plein de trucs et puis l’album sort et puis voilà, ça marche un peu.
Contraddiction, 1999
Je suis très axé metal donc j’avais vraiment envie de…enfin comment dire, je n’aime pas trop l’alterno, toute la scène alternative française, j’en écoute et je m’entends très bien avec eux mais c’est pas ma culture en fait.
J’étais plus ancré dans le metal donc du coup j’avais vraiment envie d’enregistrer avec un producteur américain. On a envoyé des lettres partout, parce qu’à l’époque y avait un peu de moyens. Et t’as Colin Richardson qui nous a répondu, il venait de faire MACHINE HEAD, il venait de faire plein de choses, et il était chaud par rapport à notre album. Il est venu nous voir en concert, il a dit « Je le fais », et on a enregistré « Contraddiction » avec lui, donc ça s’est une expérience de fou.
De cercle en cercle , 2001 : Il y a un petit virage où je trouve qu’on s’éparpille un peu. T’as pas envie de refaire la même chose, du coup…
Moi ce qui me faisait étrange, c’est d’avoir ce titre éponyme, Mass Hysteria au quatrième album. Pourquoi ce choix ?
C’est pas calculé, cet album là c’est l’album un peu l’album « noir » du groupe, dans le sens où il n’y a rien qui allait, on avait plus de maison de disque, parce qu’on c’était barrés.
On avait une manageuse qui nous avait dit qu’il fallait qu’on parte de chez Sony, chose qui a été une grosse erreur. Voilà, plus de maison de disque, les compos ça venait pas vraiment. On enregistre l’album avec un producteur qu’on pensait être un mec mais en fait c’était pas le bon, parce qu’on a contacté un homonyme…
On avait contacté un ricain qui avait fait SLAYER et tout ça, et le mec arrive, en fait c’est un anglais, il a le même nom et le mec nous dit « Mais non mais c’est pas moi ». Et le mec insiste pour le faire, en disant « Moi j’ai clipé des maquettes, je veux le faire », donc tu te dis bon pourquoi pas.
Et puis le mec il a fait un boulot tellement pourri. Il nous a ruiné nos morceaux, il y a aucune pêche dans l’album, y a rien. Alors que moi les morceaux, c’est des morceaux que j’adore, c’est un peu différent de d’habitude mais c’était… Bref là l’autre il nous a fait une prod toute pourrie.
On avait besoin de sortir l’album parce qu’il fallait qu’on parte en tournée parce que financièrement ça commençait à être juste.
Et voilà tu sors un truc et tu sais très bien que ton public il va pas l’aimer, tu le sais quoi. On est jamais autant passé à la radio qu’avec ce truc mais du coup à notre concert c’était plus notre public, c’était un public de radio, on s’y retrouvait pas du tout.
C’est pour ça que sur l’album d’après, Une Somme de détails, 2007, on s’est dit : bon allé, on a appelé Fred et on repart dans ce qu’on sait faire vraiment.
Et puis là pour résumer assez rapidement, ça fait quatre albums où on a plus envie de changer de direction. Voilà, on fait du MASS HYSTERIA comme on sait le faire, c’est ça aussi, sans se poser de question.
Est-ce que tu as un souvenir d’un vrai moment de solitude, en live, sur scène ?
Je dis souvent le même en fait. C’était à l’époque du premier album, on jouait pour une association, et en fait la scène je sais plus en quoi il avait fait ça, et moi je suis passé à travers..
Mais je me suis pas fait mal, mais tu comprends pas ce qui t’arrive parce que nous on bougeait beaucoup et un moment donné, j’ai pas compris et ma guitare était posée sur le sol… J’ai regardé mes potes et heureusement elle était pas très haute la scène.
Oui là t’as l’air un peu con tu vois. Et Mouss par contre à la fin il a retraversé la scène et lui s’est fait mal.
Un grand moment de gloire, ton meilleur souvenir ?
J’en ai deux, mise à part des concerts comme ce soir que je pourrais le citer. Il y a la première partie de METALLICA dans les Arènes de Nîmes, où c’était quand même pour moi quelque chose de fou. Et l’Olympia, l’Olympia c’était dingue.
Merci à Arnaud d’avoir dirigé l’interview et à Roger d’avoir rendu cela possible.
MASS HYSTERIA