Fabien est ce que l’on appelle un hyper actif ! Jugez plutôt : Guitariste/chanteur de WHEELFALL (Stoner prog), bassiste dans PHAZM et second guitariste dans CHAOS ECHOES (ex-BLOODY SIGN). Il nous explique tout ça, nous parle de guitare, de matos et de plein d’autres choses encore dans l’interview qui suit.
Salut ! C’est un plaisir que de te répondre ici, moi comme mes différents groupes allons très bien, et l’année 2015 sera sacrément riche en créations et concrétisations pour chacun des groupes dans lesquels je suis investi : albums, concerts, collaborations…
Pour les personnes qui ne connaissent pas encore les groupes dans lesquels tu officies, peux-tu en faire une brève présentation ?
Je vais commencer par WHEELFALL, qui est le groupe que j’ai monté en 2009 avec des personnes qui sont devenues par la suite ma deuxième famille. Ce groupe est une entité à part entière, elle vit, elle évolue comme le font ses membres. On a commencé et on s’est fait connaître dans la scène stoner/doom française avec des groupes comme HUATA ou ABRAHMA. Pour nous il a toujours été question de proposer un univers réunissant la musique, le visuel et les concepts ; une fascination pour l’oeuvre totale. Très vite ça nous a éclaté en pleine figure : le seul moyen de pouvoir faire exactement ce dont on avait envie, c’était qu’on fasse tout nous même, d’où une démarche DIY et direct-to-fans extrêmement marquée chez nous. La liberté nous tient à coeur ! Et c’est pour ça que le double album qui sortira en 2015 marquera une certaine évolution dans son style car il correspond à l’évolution de tous les membres du groupe… J’aime à dire que ça ferait penser à une rencontre du “Monotheist” de CELTIC FROST et de NEUROSIS prenant place dans la trilogie du Bêton de J. G. Ballard. Bref, on ne veut pas rassurer les gens, il y aura toujours des surprises, il y aura toujours plusieurs niveaux de lecture, ce ne sera jamais “facile”.
PHAZM est aussi un groupe très atypique dans la scène metal. Chaque album a son feeling particulier, et l’ensemble a une très forte identité. Pour résumer, je pense qu’on peut y entendre un death/black metal avec une grosse assise rock’n’roll. Une vraie volonté d’écrire des morceaux bluesy finalement, avec le feeling death/black metal ! Pareil, cette année va marquer la sortie d’un nouvel album, et je peux vous dire qu’on s’offre une sacrée chevauchée nordique avec celui là haha !
CHAOS ECHOES, c’est un manifeste sur la liberté, l’exploration de son soi, l’exploration de la musique, DES musiques. Musicalement, ça s’apparente à du death metal dronisant, laissant la part belle aux improvisations… Du Steve Reich converti au death metal, trainé dans l’Interzone de Burroughs. Le nouvel album, ‘Transient’, sort en avril de cette année, un album à vivre !
FWF, c’est mon projet solo. J’en ai eu besoin à un moment, je me pose toujours 3 000 questions sur la musique, son futur, son passé, sa philosophie et il fallait que je retranscrive ça en musique. C’est la base de ce projet ! Il navigue entre expérimentations dark ambiant, musique concrète et industrielle, très contemporain dans l’approche. Emilie “Plaster Faux” (Kaliyuga, Hungry for the Truth, Deadmen…) m’a rejoint récemment pour aller encore plus loin dans cette voie… Résultat courant 2015 avec un album voire plus !
Comment es-tu tombé dans l’univers de la musique et de la guitare en particulier ?
Je suis issu d’une famille de musicien, c’était dans notre culture de nous y intéresser, naturellement. J’ai commencé le violoncelle à l’âge de 5 ans, et j’ai fait le conservatoire jusqu’à ce que je n’en puisse plus haha… Une petite douzaine d’années. Je crois que j’ai eu envie de me mettre à la guitare pour faire du rock, parce que c’était en totale opposition avec ce qu’on pouvait m’enseigner au conservatoire. C’était vers mes 10-12 ans… J’étais tombé sur une cassette de SCORPIONS, “Fly to the rainbow“, j’avais détesté, les sons étaient trop agressifs pour moi à l’époque… Et ça m’a fasciné, je l’ai réécoutée, j’ai eu envie de faire hurler mon instrument moi aussi comme sur “Speedy’s coming”. Haha… C’est le seul SCORPIONS que je peux encore écouter aujourd’hui d’ailleurs. Quand on y réfléchit, un “conservatoire”, ça porte bien son nom. A ce moment-là, j’avais juste envie de faire péter les conventions, de détruire les règles qu’on m’y avait enseignées ! Le metal et la guitare étaient pour moi un symbole de cet état d’esprit. Cet état d’esprit, je l’ai toujours, mais je me sers autant de ce que j’ai appris dans le milieu de la musique “savante” que “populaire”… C’est encore plus jouissif !
“Fly to the rainbow” a joué le rôle de déclencheur, mais jamais véritablement d’influence ! Quand j’ai commencé à écouter du rock/metal après ça, j’avais surtout pris une énorme baffe avec les débuts de KoRn. Le son, les compositions, ça collait exactement à son époque, c’était parfait pour moi. Les 3 premiers albums le sont encore pour moi ! Bien sûr, comme beaucoup, j’ai joué et rejoué du ENTOMBED et du METALLICA : “…And Justice for All” en particulier, il a toujours eu un truc en plus cet album, ces structures, ces riffs bizarres. Fascinant. Du côté “classique”, j’avais eu ma révélation avec Bartok, Debussy, Ligeti et Stravinsky qui ont tout chamboulé dans mon approche de la musique. Plus tard, j’ai trouvé en plus des 4 cités juste avant, de véritables symboles artistiques qui me donnent envie de toujours aller de l’avant : Trent Reznor (NIN), David Bowie, Scott Walker, Michael Gira (Swans), The Melvins, Neurosis et en sortant un peu de la musique, Jodorowsky, Cronenberg, J. G. Ballard, Burroughs…
Ces influences sont toujours très présentes aujourd’hui, seulement au lieu de se confronter comme à l’époque, elles se marient très bien ! Je peux très bien dans la même semaine passer de COIL à TYPE O NEGATIVE, me réécouter pour la millième fois “Le Sacre du Printemps” et revenir à SATYRICON. Aucun soucis haha !
Quel était ton matériel musical de l’époque et quel est-il aujourd’hui ?
Ma première guitare était une Peavey Raptor avec un ampli 15 watts associé, et sûrement un zoom 606 agrémenté peu après d’une metal zone de chez Boss. Le top du top, imagine haha ! Mais ça faisait le taff pour apprendre tranquillement, jouer avec quelques potes.
Maintenant je suis super méticuleux en ce qui concerne mon matos. J’éprouve un malin plaisir à choisir chaque micro, chaque lampe, chaque haut-parleur, chaque pédale… Autant dire que c’est une quête qui ne finit jamais ! Dans WHEELFALL, je joue sur deux amplis et deux baffles : un Matamp 1224 MKII avec des EL34 et KT88, qui va dans un baffle Matamp en G12T100, et une tête EVH 5150 III dans un baffle orange en G12K100. J’ai une ESP-LTD Eclipse dans laquelle j’ai mis un SH55 et un P90. J’aime beaucoup ce côté hybride entre la modernité et la tradition, ça a vraiment du caractère je trouve.
Dans CHAOS ECHOES, je joue uniquement sur la EVH 5150 III avec la même guitare, c’est parfait dans ce contexte. Cette tête est fabuleuse, il y a la 5150, mais il y a aussi un vrai clean, une sacrée marge de manœuvre ! (Ndlr : je ne peux qu’approuver ses dires !). Et facile à emporter partout (la version 50w). Dans PHAZM, c’est de la basse, j’ai joué sur une basse Ibanez Iceman (hé… CELTIC FROST quand tu nous tiens..), mais maintenant je suis sur Fender Precision, y’a pas à chier c’est génial. L’ampli est un vieil Acoustic, du transistor old school, un son d’enfer et une puissance énorme.
J’utilise aussi beaucoup le Torpedo Live de Two Notes, une machine formidable que j’utilise autant pour enregistrer que pour jouer chez moi sans me dire qu’il va falloir que je prévienne les voisins haha.
Pour ce qui est des pédales : beaucoup de choses. Ça change souvent, il y a des overdrives, des délais, chorus, des boucles, des fuzz, freezes, des bit reducers, phasers, wah wah etc… J’ai toujours été fasciné par le son et le jeu de Robin Finck dans NIN, je me tiens souvent au courant de ce sur quoi il joue.
Et bien écoute… c’est génial ! Quand PHAZM m’a demandé si je voulais remplacer Max à la basse, je n’avais encore jamais joué de cet instrument. C’était tout nouveau (même si j’ai une expérience dans les basses fréquences avec le violoncelle), et c’était un putain de challenge à relever. Sachant que j’étais fan du groupe, j’ai pas pris beaucoup de temps pour me décider : j’ai dit oui, et je suis allé m’acheter une basse pour bosser les morceaux.
C’est sûr qu’en tant que bassiste, on est beaucoup moins sous les projecteurs qu’en tant que guitariste chanteur. Mais ce n’est pas un problème, dans chaque groupe, quel que soit ta place, tu te mets au service du groupe en lui-même, de façon à ce qu’il y ait une part de toi qui en ressorte. Le rôle est différent, mais tout aussi primordial ! Regarde ce qu’un type comme Dan Lilker peut apporter dans un groupe par exemple…
Te souviens-tu du premier concert que tu aies vu/donné ?
Hormis les concerts du conservatoire, le premier concert que j’ai donné était à une fête de la musique, au collège. C’était désastreux, mais on s’est vraiment amusés ! Je me souviens, on faisait une reprise de Message in the Bottle, j’étais à la guitare et le chanteur avait oublié les paroles… Ce fut ma première expérience au chant, en plus de la guitare. Ce devait être un sacré carnage, une horreur, vraiment !
Quant au premier concert que j’ai vu, c’est une bonne question… Je me souviens être allé voir avec mes parents des concerts de cool jazz, parfois free aussi et qu’à l’époque je trouvais ça insupportable. Comme quoi…
Peux-tu nous expliquer comment tu composes ou arranges un morceau ?
Je te dirais bien que ça dépend ! J’aime bien varier les méthodes de composition, on arrive parfois à casser une routine et du coup à se redécouvrir. La plupart du temps, je conçois un morceau comme une histoire : je considère un accord, une suite d’accord, un son comme un personnage, une structure comme un évènement. Un morceau à un début, un développement, une fin, différents personnages y font des apparitions, il y a des rôles principaux, des secondaires, des figurants et même des caméos ! La musique se raconte elle-même quelque part. Si à un moment j’ai besoin d’un évènement perturbateur, et qu’il doit être malsain, dérangeant, je n’hésiterais pas à mettre un bon gros cluster au milieu d’une progression harmonique classique. Tout est une histoire de tension, de détente, de dynamisme. “La musique c’est le silence entre les notes” disait Debussy ! Malher est un maître en la matière je trouve, pour étirer le temps, le rendre élastique et le faire vivre au travers des notes. Et autre exemple de narration musicale : la suite orchestrale de “L’oiseau de feu” de Stravinsky.
Mais il y a plein de façons de composer, parfois dans le cadre de FWF, j’aime utiliser l’écriture contemporaine, en faisant appel à la créativité de l’interprète qui lira la partition. Il n’y aura pas tout le temps de valeur de temps ou de hauteur de note etc. Mais cela permet de tirer parti de la créativité de chacun, de laisser une liberté, de digresser ! Avec WHEELFALL on a aussi expérimenté pas mal de choses, comme les contraintes de temps, ou même les stratégies obliques de Brian Eno (sur le double album qui va sortir)… Il m’arrive parfois de disséquer des morceaux, pour comprendre à travers ma propre démarche comment ça peut fonctionner : un jour, j’ai passé une journée entière à écouter et réécouter des dizaines de fois le morceau “Enjoy the Silence” de DEPECHE MODE. Qu’est-ce qui faisait que ce morceau, simple en apparence, soit si accrocheur ? Pourquoi 25 ans après il est toujours aussi efficace ? Qu’est-ce qui fait que je ne m’en lasse jamais ? Et toute la journée j’ai noté chaque petite note, chaque petit changement dans les structures, chaque variation du son… Et ça m’a beaucoup apporté. C’est comme à la suite d’une longue discussion existentielle avec une personne, les liens créés se renforcent encore plus, chacun en profite encore plus.
Et après quand tu croises ça avec les différentes sensibilités qu’il y a dans le groupes, les différentes influences et expériences, ça devient hyper riche !
A l’arrangement, je peaufine le “scénario” quelque part : qu’est ce qui peut aider le morceau à atteindre son propre but ? Et là, je torture le morceau, je le mutile pour qu’il livre le meilleur de lui-même. Un modèle d’arrangement pour moi est l’album “Scott 4” de Scott Walker : c’est tellement malin, audacieux, aventureux parfois pour l’époque (“Boy Child”), c’est simplement un chef d’œuvre (comme tous ses albums suivants jusque maintenant… Super objectif effectivement haha).
Hé bein, tu es très méticuleux, ça fait plaisir à lire. D’ailleurs, comment ont été accueillis tes différents groupes par le public et/ou par la presse ?
A chaque fois extrêmement bien ! Je crois que j’ai la chance extraordinaire de pouvoir évoluer avec des groupes uniques avec une très forte identité, ce qui fait que la fan base est toujours très présente, à s’intéresser, et à en parler autour d’eux. Pour chacun des groupes il y a toujours une attente, mais pas une attente précise de la part du public ou de la presse spécialisée, juste l’attente de voir ce qu’il va se passer, la surprise ! J’essaie de rester le plus disponible possible, j’aime partager avec les gens sur des forums, par mails, avec d’autres groupes, que leur musique ne me plaise ou pas et inversement, tant que l’échange est intéressant. On ne peut pas plaire à tout le monde, et je n’en ai pas envie. On met toute notre personnalité dans notre art, et une fois créé il appartient à celui qui le reçoit, plus à nous. Et on va continuer à donner le maximum pour proposer quelque chose de riche, d’intéressant, viscéral… Je crois que c’est cette énergie qui touche les gens, même s’ils ne sont pas touchés par notre musique. Et finalement j’ai vu très peu de retours négatifs !
Comme je disais un peu plus haut, c’est assez chargé cette année :
– Pour WHEELFALL, on a un double album qui va sortir très bientôt. Je pense qu’on va en surprendre beaucoup, car ce double album ne viendra pas seul ! C’est un projet audacieux et ambitieux, je suis très fier qu’on y soit arrivés. On va bien sûr tourner ensuite pour l’amener aux maximum d’oreilles et yeux possible.
– PHAZM va bientôt entrer en studio pour le 4ème album, la sortie devrait suivre ensuite. La composition de l’album a été vraiment excitante, musicalement et humainement ! On a hâte de présenter ça au public, je pense qu’on va pas mal voyager, comme l’auditeur.
– CHAOS ECHOES sort l’album ‘Transient’ en avril. Je n’ai pas joué dessus, je suis arrivé dans le groupe un peu après. C’est un album que je trouve extraordinaire ! Il est possible que d’autres projets pointent le bout de leur nez cette année d’ailleurs. En attendant, nous avons 3 dates le 1er, 2 et 3 juin avec les géniaux Portal et Impetuous Ritual !
– Avec FWF & PLASTER FAUX, nous allons sortir un album cette année aussi. Plus jusqu’au boutiste, plus “rituel”, plus sombre et plus extrême dans les sujets abordés. Il y aura sûrement une autre sortie, un EP, qui suivra et je pense qu’on essaiera de faire quelques dates, c’est un défi qui se doit d’être surmonté !
Une grosse année en perspective ! Pour revenir à la pratique de la guitare, quel est ton échauffement/entrainement standard ?
Faire des gammes m’a toujours un peu emmerdé, même si je dois avouer que c’est TRES utile. Le seul véritable exercice que je fais, c’est le travail de l’oreille : je mets un cd, n’importe lequel, je prends un instrument et j’essaie de jouer dessus, soit en retrouvant les riffs, mélodies, soit en improvisant dessus ! J’adore ça !
Quel(s) conseil(s) pourrais-tu donner à un débutant ?
Suis-toi toi même fidèlement.
Ecoute beaucoup, analyse, essaie de comprendre les choses. Ne te laisse pas enfermer dans une cage, il n’y a pas qu’une façon de faire, d’écouter, de jouer, de ressentir, de prendre du plaisir. Rien n’est acquis, et si tu veux quelque chose, c’est à toi de t’en donner les moyens car personne ne fera les choses pour toi. Apprend de l’expérience de tes aînés et pairs et surtout sois à TON écoute. Fais les choses parce que tu en as envie avec les gens que tu aimes. Ne laisse jamais l’argent influencer ton art.
L’interview arrivant à sa fin, si tu as quelque chose à dire ou à partager, c’est le moment…
Et bien déjà, je tiens à te remercier de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer ici même ! Merci aussi à celui qui lit ces lignes de m’avoir lu, j’espère que ça t’aura donné envie de découvrir mes groupes et tous ceux cités sur cette page !
Merci à Geoffroy Lagrange d’avoir réalisé cette interview.
WHEELFALL
Site : http://wheelfall.com/
Audio : https://wheelfall.bandcamp.com/
PHAZM
Site : https://www.facebook.com/thetruephazm
Audio : https://www.youtube.com/watch?v=kguV9crEnK0
CHAOS ECHOES
Site : http://chaosechoes.org/
Audio : https://nuclearwarnowproductions.bandcamp.com/album/transient
FWF
Site : http://www.fabienwfurter.com/
Audio : https://f-w-f.bandcamp.com/
Crédits photos : Celestialk
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