Squidhead, guitariste belge fan des produits de Line6 nous parle de son premier EP instrumental, de ses techniques de jeu, de matériel mais également du futur album en préparation.
Salut Pierre, merci de répondre à cette interview. Commençons par parler de ton groupe, SQUIDHEAD, peux-tu le présenter pour ceux qui ne le connaissent pas encore ?
Salut Silenius et merci à toi pour l’interview ! Alors, SQUIDHEAD est mon projet solo de metal instrumental oscillant entre le death et le prog. Le projet a débuté il y a maintenant quelques années mais est sorti de l’ombre assez récemment avec un premier EP il y a un an environ.
Comment es-tu tombé dans l’univers de la musique et de la guitare en particulier ?
Ma passion pour la musique est arrivée avec la découverte du rock et du metal qui a eu lieu quand j’avais 16 ans (déjà presque 19 ans, ça ne me rajeunit pas !). J’ai découvert en même temps des groupes comme AEROSMITH, METALLICA, IRON MAIDEN, etc. Les grands classiques en somme et j’ai eu une révélation en voyant les potes jouer des covers dans leur garage. La guitare m’a définitivement tapé dans l’œil et j’ai acheté ma première gratte quelques semaines plus tard.
Quelles étaient tes influences à l’époque ? Et quelles sont-elles aujourd’hui ?
Mes premières influences étaient bien entendu les premiers groupes que j’ai entendus mais je me suis rapidement intéressé aussi aux groupes à shredder comme STEVE VAI, DREAM THEATER, YNGWIE MALMSTEEN, SYMPHONY, etc… J’étais un obsédé des musiques à solo de guitare.
Mes influences actuelles sont des groupes comme MESHUGGAH, DEVIN TOWNSEND, THE OCEAN, FEAR FACTORY, SEPTIC FLESH, etc. Il y en a beaucoup mais j’aime particulièrement les groupes avec de fortes identités et à la musique grandiloquente.
SQUID HEAD est un projet solo, où tu es le seul maître à bord. Est-ce un choix de volonté ou une obligation ?
Plus par obligation au départ. J’espérais en faire un projet avec des invités mais les emplois du temps de chacun et les nombreux changements d’orientation du projet au cours des années l’ont beaucoup fait stagner. J’ai dû finir par prendre la décision de tout faire seul pour que le premier EP voit le jour et que le projet existe enfin. J’ai finalement réalisé que j’avançais beaucoup mieux quand je gérais le gros du travail seul.
L’album révèle plusieurs surprises, aussi bien du côté des compositions que de l’exécution qui met en avant tes talents de guitariste. Comment as-tu développé tes techniques de jeu ?
J’ai dû pas mal remettre en question ma façon de travailler au fil des années et apprendre à bosser ce qui était vraiment nécessaire pour servir ma musique. Je fais donc toujours en sorte de développer les techniques et de bosser les gammes qui me permettent de sortir la musique que j’ai en tête.
Il y a tellement de styles de jeu possibles en guitare qu’on pourrait ne faire que bosser la technique et les gammes mais ce n’est pas une fin en soi pour moi. J’essaye vraiment de me concentrer sur ce qui sert mon jeu.
Peux-tu nous expliquer comment les morceaux sont composés dans SQUIDHEAD ? N’est-ce pas trop difficile de composer des titres « longs », de plus de 4 minutes ?
Je commence très souvent mes compositions par les rythmiques. J’essaye de trouver de bons riffs qui s’enchainent correctement et les assemble pour faire une structure de base du morceau.
Une fois le squelette du morceau en place, je travaille sur les arrangements et les mélodies par-dessus.
Pour le premier EP instrumental, j’ai dû faire attention à ne pas surcharger les morceaux avec trop de parties guitares (éviter notamment de mettre des soli partout) et faire en sorte que l’ensemble reste audible pour des non-musiciens. Pour le prochain disque qui contiendra normalement du chant, le travail est assez similaire sauf que cette fois, beaucoup plus d’espace sera laissé au chant.
J’essaye toujours de me mettre à la place de l’auditeur et de me rendre compte si un morceau est efficace ou non, quitte à enlever des parties agréables à jouer mais qui ne servent pas le morceau.
En tant que guitariste, pourrais-tu nous dire quel est ton échauffement/entraînement standard à la guitare ?
Je travaille principalement en routine l’aller-retour et le tapping et un peu de sweeping. J’ai quelques plans qui regroupent les 3 techniques que je joue en boucle en guise d’échauffement. Je fais en sorte d’être le plus fluide possible dans l’exécution. Une fois fluide, je travaille au métronome pour monter progressivement la vitesse. Le but étant de jouer les parties plus vite que leur tempo de base afin d’être le plus à l’aise possible une fois revenu au tempo d’origine.
Je travaille régulièrement les gammes mineures harmoniques et mélodiques. Je travaille aussi la gamme mineure hongroise qui apporte un peu d’exotisme au jeu.
Enfin, je travaille pas mal la précision rythmique et l’attaque sur les grosses cordes. La guitare 8 cordes est un peu à la frontière entre une guitare et une basse niveau tension de corde et demande une attaque plus agressive pour éviter un son trop sourd. Je travaille au métronome pour bien insister sur les accents, aussi bien à tempo lent qu’à tempo rapide.
Quel(s) conseil(s) pourrais-tu donner à un guitariste ?
Je dirais déjà d’essayer de jouer le plus souvent possible. On dit souvent qu’il faut bosser 2h par jour minimum mais ce n’est pas toujours évident. Mais avoir son instrument à portée de main prêt à jouer, ça aide à trouver la motivation, même pour bosser 20-30 min par jour. Ce n’est jamais perdu.
Il faut savoir accepter ses défauts et faire en sorte de bosser dessus et ne pas prendre de mauvaises habitudes. Ce n’est pas toujours fun à faire mais une fois les défauts corrigés, on peut se concentrer sur ses qualités. Et c’est d’ailleurs un point capital : on a tous des points forts en musique et il faut faire en sorte d’exacerber ces points. Si tu n’es pas bon en jazz et que tu ne veux pas en jouer, ne perd pas de temps à en bosser ! Je suis très mauvais au jeu aux doigts par exemple mais je n’en ai pas besoin dans ma musique alors je ne le travaille pas. Je me concentre sur ce qui m’est utile pour ma propre musique.
Ha et un autre point capital : le travail au métronome. Si tu veux jouer correctement en groupe ou en studio, c’est OBLIGATOIRE ! Tu peux avoir les meilleures idées et le meilleur feeling du monde, si tu ne sais pas jouer proprement et en rythme, tu vas avoir beaucoup de difficultés à aboutir à quelque chose de bien. Le travail de l’oreille est tout aussi important. Il faut pouvoir entendre si ce qu’on joue est juste et en place. On joue avec les doigts ET les oreilles.
Merci pour tes conseils ! Parlons matériel à présent. Peux-tu nous dire sur quel matériel tu as débuté et quel est ton matériel actuel ?
Alors j’ai commencé avec une Squier Strat et un petit ampli Squier de travail. Ce super combo me donnait un magnifique son de friteuse à l’époque ! Mais bon, quand on débute, on prend ce qui n’est pas cher et on apprend.
A l’heure actuelle, je joue sur une Ibanez RG2228 (8 cordes) customisée (par Auxan, un super artisan luthier belge) avec un vibrato Floyd Rose et des micros Bare Knuckle Painkiller. J’ai également une RG8 en back-up pour les concerts. J’ai aussi une Ibanez Universe 7 cordes que j’utilise moins pour le moment mais qui reste une de mes guitares favorites.
En live, j’utilise un ampli Line6 vetta2 à modélisation qui me permet de générer pratiquement tous les sons dont j’ai besoin. J’ai aussi 1-2 pédales de disto que j’utilise à l’occasion pour varier un peu les sons pendant l’enregistrement (Ibanez Gemini et Uber Metal Line6).
Si mes informations sont bonnes tu as enregistré ton album chez toi, possédant le matériel approprié. Peux-tu nous parler de ton installation home studio ? L’utilises-tu également pour produire d’autres groupes ou est-ce envisagé ?
J’ai en effet assemblé petit à petit du matériel pour produire moi-même ma musique. Pour le home studio, j’utilise un line6 Pod XT live, une wha Dunlop Cry baby from hell (le modèle Dimebag), une carte son Line6 UX-1 avec le programme Pod farm. Je passe par un programme Cubase pour tous les enregistrements et j’utilise pas mal de produits Toontrack (Superior drummer et EZmix principalement). J’ai des moniteurs Beringher et prévois de prendre un micro chant Fame dans peu de temps pour compléter le matériel actuel. Comme tu as dû le remarquer, je suis un gros utilisateur Line6 !
J’utilise également un clavier Mikrokorg et un Kaossilator pour toutes les parties électroniques en studio et j’ai quelques librairies de samples.
Je n’ai pour l’instant pas fait grand-chose pour d’autres groupes, mis à part des samples d’intro mais si j’ai de la demande, pourquoi pas. Je ne cherche pas particulièrement à le faire car SQUIDHEAD me prend beaucoup de temps mais je reste toujours ouvert si j’ai de la demande.
Tu es donc plus qu’équipé en effet. Revenons à ta personnalité car que ce soit la pochette, ou encore ton masque, tout nous laisse à croire que tu es un fan de H.P. Lovecraft, ai-je raison ? Pourquoi avoir choisi de dissimuler ton visage ?
Tu m’as piégé, je suis un grand fan de l’univers de Lovecraft ! L’utilisation du masque est une façon de créer un personnage, une sorte d’alter-ego que j’utilise pour me représenter dans ma démarche musicale. J’aime l’idée d’avoir un tout, la musique + l’image. Et soyons franc, utiliser mon nom sur la couverture n’aurait pas eu autant d’impact et je ne voulais pas que le projet soit uniquement perçu comme un projet solo de guitariste. Avec l’image et le nom Squidhead, je suis libre de faire évoluer le projet en vrai groupe.
L’album est également un album quelque peu atypique du fait qu’il est uniquement instrumental. Est-ce un choix ou aurais-tu aimé que certains chanteurs se joignent à toi ?
J’aurais aimé avoir du chant mais comme je le disais précédemment, les circonstances ont fait que ce n’a pas été faisable pour le premier disque. J’ai cependant bien l’intention d’avoir du chant pour le prochain disque et le travail est déjà en cours. Je prévois d’avoir un line-up complet cette fois et de faire du live.
A vrai dire je pense à BITTER FROST, le groupe de Christopher A. Erikson qui joue de tous les instruments mais qui a choisi un chanteur différent par titre. Que penses-tu de ce genre concept, serait-il envisageable pour SQUIDHEAD ?
C’est en effet une démarche intéressante, surtout pour un projet purement studio mais vu que je prévois de jouer la musique sur scène, c’est plus simple d’avoir un seul chanteur. Il y aura peut-être un invité pour un morceau mais pas plus.
D’ailleurs, quels seront les paroles / thèmes que tu aimerais développer si le chant se rajouterait à tes compositions ?
J’aimerais développer les thèmes chers à Lovecraft justement : un univers sombre de cultes secrets, d’anciennes divinités, de monstres et de folie. C’est une source d’inspiration énorme et il y a de quoi remplir un paquet d’albums. Ce sont des thèmes qui ont déjà été exploités dans le monde du metal et je les trouve très inspirants.
Avec les mois qui passent, peux-tu nous dire comment a été accueilli ton album et si tu as des regrets ?
Les retours ont été très bons et encourageants je dois dire ! Il y a eu des avis un peu plus critiques que d’autres, bien entendu, mais la grande majorité des avis ont été très bons. Je n’ai pas de regret particulier, mis à part le fait que le premier disque ait pris presque 4 ans à être finalisé. Je compte bien apprendre de mes erreurs et être plus efficace pour le suivant. Beaucoup ont vu cet EP comme une bonne introduction à l’univers de SQUIDHEAD et attendent du chant pour le prochain. Ça tombe bien, c’est prévu.
D’ailleurs, quel mot emploierais-tu pour qualifier ton album ?
Un seul mot ? Hum… Pas facile à répondre mais je dirais simplement « honnête ». Ce premier disque est une représentation honnête de mon identité musicale et de ce que j’étais capable de faire au moment de sa création. Je n’ai pas cherché à tricher ou à faire quelque chose que je ne saurais pas reproduire fidèlement.
Enfin, pour continuer de parler de ce premier album, des archives mettent en avant que tu as commencé ton projet en 2009, pour sortir ce premier album en 2014. Doit-on en conclure que le processus de création a été long et très sélectif ou que tu as encore un gros « paquet » de titres prêt à distribuer ?
Il y a en effet un sacré paquets de morceaux inutilisés mais qui ont surtout été composés dans une autre optique. On m’avait proposé de faire du projet un groupe il y a quelques années mais le projet n’a jamais abouti. J’ai appris qu’il ne fallait pas forcement faire confiance à des gens qui se disent expérimentés mais qui ne mettent pas leur priorité dans ton projet. Je sais désormais que je dois bosser uniquement avec des gens fiables et ne pas croire les belles promesses. La vraie motivation se voit par les actes, pas les belles paroles. C’est pour ça que j’ai fini par travailler seul pour ce disque et fais en sorte qu’il soit cohérent et pas juste un fourre-tout de compositions qui trainent sur une disque dur.
Si mes informations sont bonnes, ton album est un peu l’exemple même du DIY, sans label pour t’accompagner. Est-ce un choix ou une obligation de nos jours pour ton projet ?
Le projet reste encore jeune à l’heure actuelle et il est plus simple de tout gérer moi-même. J’ai engagé un promoteur (Phenix promotion) qui a fait un super boulot pour ce premier EP et je m’occupe de la logistique et distribution du disque. Le gros problème des labels, c’est qu’ils font d’abord en sorte d’être rentable pour eux avant d’en faire profiter l’artiste. Ils peuvent te donner plus d’exposition mais tu n’auras jamais une idée claire du travail qu’ils accomplissent et des ventes réelles. Ça a toujours été comme ça et il faut vraiment être prudent. Je n’exclue pas la possibilité de travailler avec un label un jour mais, vu que je souhaite une transparence totale sur les entrées et sorties d’argent, autant tout gérer moi-même.
Cet album bouclé, quel est le futur de SQUIDHEAD ? A quoi pouvons-nous nous attendre avec un nouvel album ?
L’album est déjà en plein travail et toute mon attention est dessus. Ce sera un « vrai » album de groupe cette fois. Le line-up est formé depuis peu et devrait être révélé dans le courant de l’année.
Pour la musique, le style de l’EP sera toujours là mais avec du chant et plus d’électronique. La patte des autres musiciens va aussi apporter quelque chose de frais à l’ensemble. On évoluera dans une sorte de Death metal moderne avec une touche industrielle et progressive.
Projettes-tu également de te produire sur scène ?
C’est prévu ! On bosse dur pour créer un album solide et il sera défendu sur scène dès qu’il sera prêt.
En tant que guitariste français que penses-tu de la scène de metal melo/technique en France et en Belgique ? Les acteurs sont nombreux, que ce soit avec les brutaux personnages de BENIGHTED, avec les plus mesurés membres d’ATLANTIS CHRONICLES, chaque scène et sous scène sont déjà très fournies et bien représentées.
Et bien, tu m‘auras encore piégé car je suis en fait Belge ! Mais il est vrai que je traine souvent en France pour la musique et j’ai pas mal de proches dans vos contrées. Vous êtes un peu ma 2ème patrie.
J’adore la scène française pour sa richesse et sa scène underground très active. J’ai vu BENIGHTED sur scène à Lille pour l’anniversaire de LOUDBLAST et j’ai pris une sacrée claque. Il y a une grande quantité de groupes et de musiciens incroyables sur la scène. Je pense à des gars comme Stephan Forté, Nils Courbaron de TANK, Christophe Godin (pas forcément metal mais incroyable quand-même), PITBULL IN THE NURSERY, etc. Je ne peux pas les citer tous mais la scène est définitivement bonne et très inspirante.
Concernant la scène belge, nous sommes évidemment un plus petit pays donc il y a moins de groupes. Cependant, la scène est assez active et il y a pas mal de groupes très intéressants qui sortent du lot.
Il y a la scène hardcore old school qui est toujours là avec les classiques comme LENGTH OF TIME, DO OR DIE, ANGEL CREW, DEVIATE et pas mal de groupes de la nouvelle génération qui commencent à bien s’exporter comme AGE OF TORMENT, ETHERNITY, RESISTANCE, BEAR, NOW VOAYGER, etc.. Dans les groupes vraiment atypiques, je suis un grand fan de IN-QUEST qui est en hiatus depuis un moment malheureusement. Leur guitariste Douglas est particulièrement impressionnant.
Le pays est un peu particulier aussi de par sa frontière linguistique avec la partie francophone au sud et la partie néerlandophone au nord (avec la région de Bruxelles au milieu qui est bilingue). Et il faut reconnaitre que la majorité des grandes salles de concerts sont surtout du côté néerlandophone donc la scène a tendance à y être plus active. Cela reste un petit pays donc si tu fais 5-6 dates, tu as fait le tour du territoire. Je pense que les groupes qui s’en sortent le mieux sont ceux qui poussent au-delà de nos frontières.
L’interview arrivant à sa fin, si tu as quelque chose à rajouter, c’est le moment…
Je pense que j’ai déjà bien assez parlé (je suis vraiment trop bavard) alors je voulais juste encore une fois te remercier pour cette super interview et saluer tes lecteurs. Merci à tous et à bientôt avec un nouveau disque !
SQUIHEAD
Site web : http://thesquidhead.bandcamp.com/
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