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Les Chants du Hasard : interview avec Hazard

Les Chants du Hasard est un one-man band très ambitieux qui impose son style orchestral majestueusement. Rencontre avec Hazard, afin d’en apprendre plus sur ce projet, plus ou moins proche d’un certain Elend.

Race stupide et idiote ! Tu te repentiras de te conduire ainsi. C’est moi qui te le dis. Tu t’en repentiras, va ! Tu t’en repentiras. Ma poésie ne consistera qu’à attaquer, par tous les moyens, l’homme, cette bête fauve, et le Créateur, qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. Les volumes s’entasseront sur les volumes, jusqu’à la fin de ma vie, et, cependant, l’on n’y verra que cette seule idée, toujours présente à ma conscience !”

Salut Hazard ! J’espère que tu apprécies cette courte introduction. Merci de bien vouloir nous accorder cette interview.

Bon, rentrons dans le vif du sujet. Peux-tu nous présenter ton projet, Les Chants du Hasard ? Que devons-nous en attendre ?

Les Chants du Hasard est un projet n’utilisant ni guitare, ni basse ni batterie mais « seulement » un orchestre et des voix. L’idée de départ était de faire du black metal avec un orchestre et d’utiliser ses possibilités pour le faire différemment.

Le premier titre donne le ton ; le bien nommé « Théâtre ». Pour le nouveau venu ce titre est vu comme un vent de fraîcheur, surtout dans le milieu du metal. Toutefois les plus anciens d’entre nous pensent, directement, à “feu” Elend, voire Chaostar.. Que penses-tu de cette comparaison ?

Je comprends que je sois comparé à Elend dans le sens où nous utilisons tous les deux des instruments d’orchestre et aucun de la formation metal traditionnelle. Cependant, je pense que les points communs s’arrêtent là. Elend est pour moi très axé ambiances avec de longues nappes entrecoupées de passages violents et peu de progressions. J’ai essayé au contraire de limiter les nappes pour utiliser plutôt des mélodies contrastées qui progressent harmoniquement. Je connais très peu Chaostar

Les Chants de Maldoror est un ouvrage poétique en prose de 1869, composé de six parties nommées « chants ».

Reconnu qu’après sa mort, j’espère que ce ne sera pas de même pour toi !

Quand as-tu lu les chants de Maldoror et quel en fut l’impact ?

J’ai découvert Les chants de Maldoror vers 13 ans et j’ai été fasciné par le style de l’auteur ; un mélange de mégalomanie, de grandeur mais aussi de ridicule. Le sujet de la révolte de l’homme contre Dieu peut paraitre banal maintenant mais en le replaçant dans son contexte historique, il l’est beaucoup moins. C’est finalement le style plus que l’argument qui m’a marqué dans ma lecture des Chants.

Pourrais-tu nous parler de tes inspirations, tout d’abord musicales, puis littéraires ?

En classique, ce sont surtout les russes qui m’ont influencé, Prokofiev (Suite Scythe), Tchaïkovsky (La tempête), Scriabine (sonates pour piano), Chostakovitch (le boulon) Moussorgski (Chants et danses de la Mort).

Au niveau littéraire, Les chants de Maldoror est l’inspiration pour les textes, j’ai essayé de retrouver ce ton grandiloquent et grotesque dont je parlais plus haut. Sinon, beaucoup d’auteurs du 19ème – 20ème siècle comme Proust, Aloysius Bertrand, Dumas…

Le premier titre met en avant de nombreux instruments. Du coup, il nous faut poser la question, combien d’instruments utilises-tu et de combien en joues-tu ?

De la même façon que beaucoup de musiques de film, de jeux vidéo ou d’accompagnements n’utilisent plus d’orchestre réel pour des raisons de coût, j’ai utilisé des banques de sons, ce qui me permet d’avoir tous les instruments d’orchestre à ma disposition. Le jeu d’un vrai orchestre serait bien entendu plus naturel mais il y a peu de chances que je puisse me le permettre un jour.

Paradoxalement, cela m’a permis de faire entendre des choses impossibles pour un vrai orchestre, comme de rendre audible une trait de cor anglais pendant qu’une section de cuivres joue fortissimo.

En ce qui concerne les instruments que je joue, j’ai une formation classique en hautbois mais je ne l’ai pas interprété sur cet album.

Tu le sais peut-être, mais notre site est axé guitare. En joues-tu également ? Comment est-ce que la guitare et la composition t’aident à composer pour un groupe aussi atypique que Les Chants du Hasard ?

La technique de guitare en elle-même ne m’a pas servi pour cet album. En revanche, les nombreuses années que j’ai passées à composer dessus m’ont amené une certaine frustration.

J’avais l’impression de tourner en rond et de retomber tout le temps dans les mêmes schémas rythmiques, mélodiques et harmoniques. C’est pourquoi je pris et prends depuis maintenant plusieurs années maintenant des leçons de composition classique où je me fais la main sur des fugues, canons, chorals, quatuor etc pour améliorer ma technique, en plus d’analyser des partitions et autres exercices.

Les Chants du Hasard est l’aboutissement de ce processus et m’a dans le même temps permis de reconnaître et donc de sortir des schémas que j’utilisais lorsque je compose sur une guitare.

Le premier contact avec l’album est sans contexte la pochette, dessinée par Jeff Grimal. Il me semble y voir deux êtres géants épiant un humain. Pourrais-tu nous dire quel fut ton mot d’ordre pour l’artwork mais également nous donner la signification de la pochette ?

La consigne donnée à Jeff était de représenter un homme qui ne serait qu’une petite silhouette perdue au milieu d’un paysage qui l’écrase par sa démesure, un peu à la façon du moine de Friedrich. Je voulais cela comme une allégorie du projet, qui, lorsque je l’ai entamé, me semblait beaucoup trop ambitieux.

Je l’ai finalement terminé, est-ce parce que je me suis montré à la hauteur de celle-ci ou l’ai-je rabaissée au cours de la composition ?

Quand as-tu commencé à composer l’album et quels furent les problèmes que tu as rencontrés ?

J’ai commencé par un essai fin 2014 pour me rendre compte de la faisabilité du projet. Au niveau de la composition, je voulais faire quelque chose de très percussif pour retrouver le rythme du black metal. C’est pour ça qu’il y a autant de percussions. Le chant a été un problème pendant un temps, jusqu’à ce que je trouve comment poser ma voix sur ces morceaux.

Le chant est présent, sous plusieurs formes, tout au long de l’album. Ce chant en français, tantôt torturé, ou chuchoté, est difficile à comprendre. Est-ce voulu afin d’y ajouter un certain voile ?

J’ai voulu traiter le chant non comme la ligne principale dont l’orchestre ne serait que l’accompagnement mais comme un instrument qui trouve sa place au sein des autres. L’intelligibilité n’était donc pas une nécessité mais plutôt une contingence.

Une chorale semble être présente sur plusieurs titres, pourrais-tu nous en dire plus ?

Il n’y a aucune chorale, seulement ma voix enregistrée parfois en plusieurs couches pour produire l’effet chorale dont tu parles. Mais j’y songe pour la suite.

Les six chants de l’album naviguent entre la noirceur de groupes comme Chaostar et Elend, sans jamais verser dans un terrain différent, comme celui de Dark Sanctuary. T’étais-tu imposé certaines limites afin de rester dans un terrain précis, ou au contraire, voulais-tu combiner plusieurs styles différents ?

Les deux styles dans lesquels je ne voulais pas tomber étaient l’ambiant et la musique de film épique façon le Seigneur des anneaux. Les morceaux devaient rester des chants avec des couplets, des répétitions, des mélodies identifiables qui utiliseraient les ressources de l’orchestre pour créer une musique sombre et violente.

« Le soleil » est un titre bien plus posé,  presque “une musique d’ambiance”. Serait-ce là une ode au soleil ?

Vu la question précédente, je risque de prendre mal que tu parles de musique d’ambiance, héhé. Oui, d’une certaine façon on peut dire que ce morceau est une ode au soleil, ou contre le soleil selon le point de vue. En voici le texte :

Ennuyé je détournai mon regard qui se porta sur l’astre. Si pur, si chaud, que ne pouvais-je l’enserrer au creux de ma paume, le faire rouler entre mes doigts, le laisser se consumer là. Et en fermant la main le pulvériser, en absorber l’énergie.

Mais il est si loin, que ne pouvais-je le rejoindre, sis sur le dos d’une chimère, cravachant, le gardant dans ma mire, le voir grossir et, à mesure que je l’approche en appréhender les détails invisibles l’instant précédent.

Mais il est si brillant. Encore vaut-il mieux m’enfoncer sous la terre et le fuir. Là, au milieu des ombres froides en rêver jusqu’à ce que sa réalité disparaisse

“L’homme” est certainement le chant étant le plus rythmé et mélodique, mais aussi le plus simple à appréhender. Doit-on y voir un titre composé différemment des cinq autres chants ?

Non, mais c’est l’un des derniers à avoir été composé. J’y ai aussi passé moins de temps que sur les autres, peut-être est-ce pour ça qu’il est plus direct.

L’album comporte des titres de plus de six minutes chacun, avec de nombreux instruments mis en avant. Comment as-tu géré la production, quel fut le but recherché ?

J’y suis allé petit à petit, seconde par seconde pour le rapprocher de la façon dont un vrai orchestre sonnerait et le rendre aussi vivant que possible. J’ai eu une grosse phase d’apprentissage au début et j’ai affiné au fur et à mesure. Comme je m’améliorais au fil de la production, je suis revenu plusieurs fois sur les premiers morceaux composés pour les retoucher.

Ce fut long et fastidieux parfois, mais avec l’expérience acquise, un prochain album me prendrait moins de temps que celui-ci. Un ingé-son a ensuite retouché toutes les pistes, principalement pour l’égalisation et ajouter de la clarté à l’ensemble.

Le principal problème technique que je rencontrais est que les instruments avaient tous une reverb naturelle sur laquelle je n’avais pas prise et qui a complexifié le mixage.

I, Voidhanger Records, est ton label pour ce premier album. Racontes-nous, comment as-tu entrepris ta recherche de label et pourquoi les as-tu choisi eux en particulier ?

J’ai contacté Luciano, le boss de I, Voidhanger sur le conseil de Jeff Grimal. Il a immédiatement aimé et m’a proposé de le sortir. Je n’ai donc pas contacté d’autre label. Je suis très content que ce soit lui qui l’ait sorti car il a une sensibilité très forte au classique, nous nous sommes tout de suite compris.

À la manière d’Elend, et d’autres groupes, penses-tu travailler par cycle pour de futurs albums ? Les Chants de Maldoror et son auteur, Isidore Lucien Ducasse, sont-ils ton unique sujet de référence pour Les Chants du Hasard ?

Je pense poursuivre dans la veine que j’ai engagée pour ce premier album. J’ai quelques idées de musique mais rien de formalisé pour l’instant. Travailler par cycles serait une idée intéressante mais suppose d’avoir un sujet assez riche, que je n’ai pas encore trouvé.

Je voudrais poursuivre dans le style lyrique de ces premiers chants, inspiré donc par Lautréamont

 En passant, il ne constitue pas le sujet de cet album car je ne me suis pas basé sur ses écrits mais j’ai essayé plutôt de me rapprocher de son style, ce que je compte poursuivre par la suite.

Pourquoi penses-tu que ta musique est appréciée dans le milieu metal, alors que tu ne respectes “aucun code” ?

Je dois quand même en respecter quelques-uns sinon ma musique ne serait pas cataloguée metal, non ?

En sachant cela, pourrais-tu nous dire qui compose ton auditoire (profil, type de musique par défaut) ?

J’ai peu de retours pour l’instant sur l’album mais les quelques personnes enthousiastes avec lesquelles j’ai discutées ou certaines chroniques semblent montrer qu’il y avait une attente en faveur d’un projet qui mêle véritablement metal et musique classique.

J’ai l’impression que mon auditeur type est quelqu’un qui écoute du metal depuis longtemps, est plus ou moins amateur de classique, et avait dans l’idée qu’on pouvait aller plus loin que ce qu’on appelle le black metal symphonique. C’est tout pour la sociologie de comptoir.

L’album va sortir très prochainement, quelles sont tes attentes à ce sujet ?

La vraie victoire de cet album est d’avoir trouvé un label qui soit assez intéressé pour le sortir. J’étais assez sceptique au cours de la composition, ne sachant pas comment seraient les retours.
Maintenant, j’espère que cet album acquerra une visibilité et soit le point de départ à de possibles collaborations

Afin de mettre en avant l’album, penses-tu à créer une vidéo lyrics par exemple, ou un tout autre moyen qui aurait pour but de mettre les projecteurs sur ton projet ?

Non, je n’ai pour l’instant réfléchi à rien de tout ça. Je sais qu’il est maintenant obligatoire d’occuper l’espace médiatique pour espérer sortir du lot mais je ne me sens pas l’âme d’un consultant en communication. J’ai déjà du mal à donner des nouvelles sur la page Facebook… Faire un clip pourrait être intéressant mais je ne m’y suis pas attelé, et ça coûte cher. Quant à la lyrics video, je ne comprends pas cet engouement pour le karaoké dans le metal.

Actuellement un digipack est disponible, mais un vinyle devrait également voir le jour. Quelles en seront les caractéristiques ( bonus, artwork différent, etc) et as-tu déjà une date de prévue ?

L’édition Vinyl sortira en septembre mais je n’ai pas plus de précisions pour l’instant. La mise en page diffèrera de l’édition digipack et comportera d’autres photos. Il y aura une série limitée « splattered color Vinyl ».

L’album étant disponible, quels sont tes plans pour 2017 et un horizon plus lointain ?

Luciano de I, Voidhanger records m’a proposé de composer un long morceau pour un projet qu’il a en tête et qui devrait sortir en 2018. Cela m’a semblé une bonne opportunité pour tester de nouvelles approches et d’améliorer ma technique avant de me lancer dans un second album. J’ai déjà commencé et devrais avoir fini ce morceau bientôt.

Dans un avenir plus lointain, je voudrais essayer de travailler sur d’autres projets, qu’ils soient audiovisuels, d’orchestration pour des groupes ou autres. Je ne veux pas me limiter à sortir des albums les uns à la suite des autres pour ne pas tomber dans une routine.

Si tu devais nous recommander trois albums qui t’ont bouleversé, mais également des sorties récentes qui t’ont accroché, quels seraient-ils ?

Dans les albums metal qui m’ont marqué, il y a Domination de Morbid Angel et en particulier le titre Hatework auquel j’ai beaucoup pensé avant de commencer les Chants du Hasard. Sidereal Journey de Oxiplegatz, Eliogabalus de Devildoll et Circus Contraption m’ont aussi marqué durant des années.

Les sorties plus ou moins récentes que j’aime sont Leytmotif Luzifer d’Abigor, Vexovoid de Portal, la démo d’Amnutseba et Paracletus de Deathspell Omega.

Nous te remercions pour cette interview. Quel est ton mot de la fin ?

Je te remercie pour cette interview intéressante qui m’a d’abord surprise venant d’un webzine dédié à la guitare. J’espère que cela pourra intéresser vos lecteurs.

Site web : https://leschantsduhasard.bandcamp.com/releases
Facebook : https://www.facebook.com/leschantsduhasard/
Merch : http://leschantsduhasard.bigcartel.com/

Silenius

Gérant du site.

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