DÉLUGE : Interview de FT et de Maxime

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DÉLUGE, groupe atypique de black metal, nous est présenté par la formation qui nous parle de leur premier album, Æther, et de sa création. Plongez-vous dans l’univers particulier de DÉLUGE, nouvelle formation chez Les Acteurs de l’Ombre, qui signe là un premier album prometteur avec en prime une excellente production.

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Salut ! Peux-tu présenter DÉLUGE à ceux qui ne connaissent pas encore le groupe ?

FT : La meilleure façon de définir le style de DÉLUGE serait de puiser l’énergie primitive du Black-Metal et d’utiliser comme support la modernité de rythmiques Post-Hardcore pour transmettre cette énergie, tout en restant toujours mélodique et mélancolique.

Sacrée présentation, au moins on sait que l’on sort du “carcan” habituel. Passons à une question plus personnelle, comment es-tu tombé dans l’univers de la musique et de la guitare en particulier ?

Je pense qu’on nait tous plus ou moins dans l’univers de la musique mais qu’on a chacun notre façon de l’appréhender avec le temps qui passe et notre environnement. J’ai commencé la guitare vers 14 ans de manière tout à fait classique. Mon père jouait un peu, il m’a montré quelques accords quand j’avais 7 ans mais étrangement je n’ai pas continué tout de suite.

Quelles étaient tes influences à l’époque ? Et quelles sont-elles aujourd’hui ?

J’ai toujours écouté énormément de choses différentes, à 7ans Nevermind (NIRVANA) tournait en boucle, à 12 ans j’étais fan de hip-hop et puis je suis passé à des choses plus extrêmes. Mais je ne me suis intéressé au black metal que très tard. Aujourd’hui je reste très curieux mais je suis beaucoup plus sensible à l’intégrité des projets et aux démarches des groupes.

Tu es donc très éclectique, on en reparlera plus tard. DÉLUGE est créé en 2014 avec une première démo « Mélas | Khōlé » limitée à 50 copies en cassette, pourquoi avoir choisi ce format ?

A l’époque j’étais déjà en contact avec Les Acteurs de l’Ombre et « Mélas | Khōlé » a d’ailleurs failli sortir chez eux. On ne savait pas trop sous quel format le proposer mais on voulait un bel objet. Le boîtier a été sérigraphié par Christin Georgel. On est très fiers du résultat final !

Quels étaient alors tes buts une année auparavant lors de la création de DÉLUGE ? Que voulais-tu proposer ?

J’ai longtemps travaillé dans mon salon, avant même d’avoir un réel line-up les idées étaient déjà assez claires sur l’univers de DÉLUGE. J’écoutais des groupes comme DAEFHEAVEN , ALTER OF PLAGUES, WOLVES IN THE THRONE ROOM et je voulais essayer de mixer Black-Metal & Post-Hardcore, d’amener quelque chose “d’aérien” sans pour autant négliger l’efficacité.

Tu sembles vouloir contrôler l’anonymat du groupe étant donné qu’aucun nom d’artistes ne figure sur l’album ou sur certains sites (comme Metal-Archives). Es-tu également membre d’autres formations ou souhaites-tu simplement rester dans l’ombre ?

Il ne s’agit pas réellement d’anonymat, aujourd’hui avec la communication moderne les gens peuvent trouver très facilement qui nous sommes, on ne se cache pas. Nous ne voulons simplement pas être rattachés à nos autres projets, sans en avoir honte bien sûr. Je me dis que finalement j’ai toujours eu DÉLUGE dans les tripes et je veux qu’on voit ce projet pour ce qu’il est, pas pour ce que nous avons fait auparavant ou que nous faisons à côté. Je veux que nous gardions une certaine intégrité.

Comment as-tu approché la composition pour cet album ? Es-tu parti des paroles ou as-tu rassemblé des idées et composé l’album ainsi de suite ?

La composition et l’écriture se font en parallèle mais la mise en commun est toujours un exercice étrangement agréable et naturel. J’avais 5 pistes quasiment prêtes et énormément de structures et mélodies sur lesquelles je travaillais quand j’ai décidé qu’on allait sortir un album. Je pars toujours d’une mélodie de guitare (souvent en fonction de l’humeur du moment) et nous construisons le reste autour. Les rythmiques sont un support de la mélodie : l’enveloppe du message.

Parlons matériel veux-tu. Peux-tu nous dire sur quel matériel tu as débuté et quel est ton matériel actuel ?

J’ai commencé sur une vieille Jackson japonaise que mon père m’avait acheté d’occasion et un Samick 40W ! J’ai économisé pour m’acheter une Metal Zone et ai survécu avec ça pendant une bonne partie de mon adolescence. Aujourd’hui je joue sur une Gibson SG standard US, un 6505 sur un vieux baffle Matamp couplé à une tête Tubeworks sur baffle Marshall. J’ai un Delay, une AB Box et un EQ dans mon pedal-board et beaucoup trop de « jeu de jambes » en live à mon goût.

De quoi faire sonner ! Revenons à votre premier album, Æther, ce dernier est assez mystérieux et la première approche, l’artwork de Valnoir du studio Metastazis, est quelque peu déstabilisante. Que voulais-tu nous faire ressentir avec cet artwork ?

C’est la partie sur laquelle je préfère laisser le plus d’interprétation libre mais « l’auditeur » attentif et curieux pourra facilement comprendre la raison des différents éléments du visuel en creusant un peu du côté de la signification physique philosophique de l’éther. Nous étions très fan du travail de Valnoir. Je ne lui ai donné aucune contrainte technique mais uniquement les thèmes que nous souhaitions aborder et il a composé seul.

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Mais d’ailleurs pourquoi avoir choisi Valnoir ?

Tout comme notre label, il incarne ce qui nous plait dans cette « modernisation du Black-Metal » (j’insiste sur les guillemets) : l’utilisation des codes sans sombrer dans un traditionalisme facile. Encore plus que la qualité de son travail, c’est sa démarche et son approche qui m’ont conforté dans le choix de cette collaboration.

Il est vrai que Valnoir est un artiste hors nome. Tu as également mis les moyens dans d’autres domaines car alors que la démo était auto produite ce premier album est quant à lui enregistré et mixé par des personnes de renom (Chris Edrich et Joey Sturgis), peux-tu revenir sur ces choix ? D’ailleurs tes directives ont-elles été directement comprises ?

Chris est un très bon ami et son travail parle de lui-même. Il nous a beaucoup aidé dans le processus d’enregistrement, dans les prises de son, dans le choix du matériel et dans l’orientation du projet et les consignes à donner pour le mix et le mastering. Nous voulions vraiment une approche fraîche et moderne dans la production, quelque chose qui prenne la « scène black-metal » complètement à contre-pied. Nous étions séduits et impressionnés par le travail de Joey et le résultat est bien conforme à nos attentes, un album qui mélange Black-Metal & Post-Hardcore soutenu par une production très moderne.

Æther comporte trois titres de la démo, dont un titre « Mélas | Khōlé » qui comporte un guest, Neige d’ALCEST. Comment es-tu venu à inviter Neige sur ce titre ?

Je ne connaissais pas Neige personnellement. C’est Valnoir qui nous a mis en relation, il a fait écouter les pré-prods à Neige et apparemment il a beaucoup aimé. Je voulais donner une nouvelle vie à Mélas | Khōlé avec une belle production et me suis dit qu’il serait magique que Neige accepte de ré-enregistrer le chant. Il a été très enthousiaste et s’en est chargé avec une rigueur exceptionnelle. Il a vraiment sublimé la piste et y a insufflé quelque chose d’unique.

La première écoute de l’album met en avant différentes émotions, allant de la haine à une certaine mélancolie, et la lecture des paroles met en avant diverses émotions et situations. Que voulais-tu nous faire partager au travers de ces paroles ?

Maxime : Il m’est assez difficile de parler de partage dans ce cas de figure. Véhiculer un message particulier n’est vraiment pas dans mes ambitions. J’ai d’ailleurs toujours trouvé cela assez présomptueux.

Ma volonté principale était de tenter de faire du beau avec des éléments, des pensées, des émotions crasseuses, douloureuses. Ce qu’on appelle aussi pour résumer le principe de catharsis.

J’imagine tout le temps l’écriture comme une formidable machine dans laquelle j’entasse toute la saloperie que je peux éprouver, pour ensuite la filtrer et finalement en récupérer une petite fiole de matière pure dont je suis fier.

Mais pour en revenir à la notion de partage, je parlerais au contraire d’appropriation ; chacun pourra, je l’espère, s’accaparer ces textes pour les faire résonner de manière tout à fait personnelle. C’est d’ailleurs pour cela que l’utilisation de métaphores est omniprésente, pour ne pas imposer une vision trop figée.

D’ailleurs, t’es-tu inspiré de lectures ou d’autres sources afin de mettre en avant tes paroles ?

Au moment de l’écriture, je lisais pas mal de livres de psychologie, essentiellement portés sur la manipulation mentale. Les notions d’emprise et d’abandon de soi m’ont ainsi beaucoup inspiré.

Mais globalement, les textes ont été écrits dans l’urgence. Et quand je parle d’urgence, ce n’est pas en rapport avec une deadline imposée. C’est plutôt que, à certains moments, je ressentais un besoin absolu d’expulser des choses. Et l’écriture a été le levier idéal pour cela. Et étant donné que j’écrivais de façon ponctuelle, uniquement quand cela m’était nécessaire, il a fallu deux ans pour poser toutes les paroles sur papier. Du coup j’avais une tonne de notes un peu partout, dans plein de carnets différents, en vrac. C’était un peu le bordel je dois bien l’avouer 🙂

Une autre « étrangeté » est que l’eau semble être omniprésente pour DÉLUGE, que ce soit avec le nom du groupe, de certains titres, mais encore par les samples de pluie qui sont ci et là dans l’album. J’ai envie de te demander, dans quel but, qu’est-ce qui se cache derrière tout ça ?

FT : L’eau est un élément très puissant, à interaction forte avec tous les autres. Ce qui me séduit avec ce rapport à l’eau c’est que, comme les émotions humaines, elle passe par de nombreux états. D’une douce bruine d’automne à un puissant orage d’été, l’élément est le même mais l’intensité et les émotions évoquées sont totalement différentes. Le choix du nom est venu de lui-même, en expliquant ce que je voulais mettre en place dans les compositions. Le terme « déluge de guitares, déluge de mélodies, d’émotions » revenait souvent. C’est un terme fort, sans concession. On essaie de retranscrire ça, sur album comme en live.

En regardant de plus près et en grattant un peu on voit que, entre la pochette, les paroles et la musique on pourrait presque penser que tu souhaites créer une sorte de concept album, est-ce le cas ?

La question est touchante car ça veut dire que pour toi l’ensemble est cohérent, merci. Même si avec le recul il est vrai que ça aurait pu être le cas, Æther n’est pas un concept album. Il n’a pas été composé en tant que tel. Malgré les reliefs il y a une certaine homogénéité dans les pistes avec un dénominateur commun qui revient car j’essaie vraiment de composer à la 3ème personne. Même si ce n’est pas le cas, je préfère avoir un album qui pourrait être concept album par sa cohérence plutôt qu’un concept album tiré par les cheveux.

Des parties claires font leurs apparitions ci et là, rajoutant une certaine quiétude au titre, as-tu déjà envisagé de créer un titre totalement acoustique ?

Malgré des vies bien remplies et du temps libre qui devient de plus en plus rare, on s’amuse parfois avec Richard (l’autre guitariste) à jouer certaines parties en acoustique (dans la plus grande intimité). C’est quelque chose qu’on garde en tête, un set acoustique de qualité demande beaucoup de travail pour que ça apporte réellement quelque chose et ça nous plairait même si ce n’est pas totalement à l’ordre du jour.

L’album est fraichement sorti et Les Acteurs de l’Ombre, ton label, s’occupe entre autre de la distribution. Pourquoi avoir choisi de rejoindre leur bannière et non une autre ?

Comme je le dis plus haut, je suis en contact avec Les Acteurs de l’Ombre depuis un bon bout de temps. On a suivi de près leurs méthodes de travail et franchement, ils accompagnent les groupes de leur écurie comme si c’était les leurs. Pour moi en France en labels qui se bougent adaptés à notre éthique, il n’y a que Throatruiner et eux. On salue vraiment leur implication et leur travail.

Ça a le mérite d’être clair ! Pour épauler votre premier album, DÉLUGE a mis en ligne un clip, « Houle », relativement mystérieux. Peux-tu nous parler de ce clip, ce que nous devons en comprendre mais également nous parler de la réalisation ?

J’ai rencontré Benjamin CAPPELLETTI sur le tournage d’un clip de KLONE. Même si ce projet n’a jamais abouti, j’ai tout de suite apprécié son professionnalisme, ses méthodes de travail et son œil. Comme Maxime l’évoque plus haut, on est assez curieux de l’interprétation que le public va se faire de certains de nos textes et de notre imagerie, bien que les paroles de « Houle » soient, pour le coup, relativement explicites. C’est beaucoup plus intéressant pour nous de laisser comprendre plutôt que de dire ce qu’il faut comprendre.

Maintenant que l’album est sorti as-tu quelques regrets par rapport à certains choix de mélodies / productions ou autres ?

La production est très moderne et j’avais peur qu’elle perde en humanité mais je suis ravi de constater que ce n’est pas le cas. La définition du son est totalement assumée. L’idée c’était de prendre une certaine scène à contre-pied, sans aucune animosité ou jugement mais simplement par cohérence. On aime les belles productions, les choses osées et qui apportent une pierre à l’édifice. On a passé tellement de temps en studio entre la composition, les pré-productions et les prises qu’on a vraiment eu le luxe d’anticiper nos regrets mais peut-être que ça viendra.

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L’album est sorti, quels sont désormais les plans pour DÉLUGE ? As-tu entre autre des dates de programmées afin de promouvoir l’album ?

Oui, suite au bon accueil d’Æther, on reçoit pas mal de demandes et on est en train d’organiser tout ça pour pouvoir le présenter dans les meilleures conditions possibles.

La scène française est riche de diverses formations de black metal, as-tu des groupes de cette scène française qui sont tes favoris ?

La réponse va sembler évidente mais ALCEST, que j’ai découvert sur le tard d’ailleurs, a créé quelque chose de gigantesque. Ils viennent de très loin et on les respecte beaucoup pour ça. Il va vraiment falloir que j’arrête de les citer sinon ils vont penser qu’on s’apprécie mais CELESTE ont eux aussi une approche entière de leur musique qui me séduit. J’écoute énormément de choses dans beaucoup de styles mais indépendamment de ça aujourd’hui l’imagerie et la volonté d’un groupe me parle beaucoup plus qu’avant même si la musique reste essentielle.

L’interview arrivant à sa fin, si tu as quelque chose à rajouter, c’est le moment…

J’espère avoir été complet. On a réellement mis nos tripes dans ce 1er album est on est curieux et impatient de voir jusqu’où il va nous emmener.

Pour commander l’album disponible en Lp, CD et cassette ca se passe ici  : http://www.lesacteursdelombre.net/productions/v2/?post_type=product

Site Web : http://wearedeluge.bandcamp.com/
Facebook : https://www.facebook.com/wearedeluge

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