INHUMATE, BLINDNESS, DEADMEN : Interview de Damien Cividini

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Damien, guitariste au sein de INHUMATE, mais également membre de BLINDNESS et DEADMEN, nous parle de ses inspirations ainsi que de sa méthode de composition au sein de trois groupes bien différents.

Damien Cividini

Salut Damien ! Merci de bien vouloir nous accorder une interview. Comment vas-tu et comment se porte INHUMATE?

Ecoute je vais très bien et INHUMATE également ! On se prépare pour une année 2015 riche en concerts, en particulier notre quatrième participation au meilleur fest de grind de la planète: l’Obscene Extreme, en République tchèque. C’est le Paradis du grind et on y retourne chaque année, que ce soit en tant que musicien ou spectateur. On planche également sur de nouvelles compos, ça avance bien, j’aime ces périodes-là.

Pour les personnes qui ne connaissent pas encore INHUMATE, peux-tu en faire une brève présentation et raconter ainsi ton intégration ? Peux-tu également nous parler de tes autres groupes : BLINDNESS et DEADMEN ?

INHUMATE est souvent présenté comme les vétérans français du grind, et c’est assez juste, puisqu’ils officient depuis 1990 en totale autoproduction. Perso j’avais 8 ans héhé. Le groupe a commencé en faisant du death teinté de grind, puis du grind teinté de death, et depuis mon arrivée en 2006 je dirais du grind tout court :). Je suis arrivé là par hasard au détour d’un forum metal, je ne connaissais rien à rien, et surtout pas INHUMATE et le grindcore, bien loin de mon petit monde fermé de guitariste de chambre. Ils cherchaient un guitariste motivé et capable d’intégrer la philosophie DIY (Do It Yourself) , moi je voulais sortir de ma chambre et faire de la scène. Il se trouve que leur mentalité indépendante et DIY colle pile avec ma façon de voir la musique. J’ai donc bossé comme un âne pour arriver avec 3 titres (à peu près) maitrisés à la première répète. Malgré mon inexpérience et mon jeune âge ils ont aimé mon implication et m’ont intégré quasi immédiatement, ce qui prouve une putain d’ouverture d’esprit. Peu de groupes de cette envergure auraient pris le risque de prendre un total inconnu comme moi !

Blindness est au départ un projet de mon ami Damien (ABSURDITY, DUST IN MIND) auquel il m’a convié en 2011. C’est du death metal à notre sauce perso où j’ai grand plaisir à jouer. J’y trouve une expression musicale complémentaire à ce que je vis avec INHUMATE . On a dû faire une petite pause en 2014 car notre batteur est parti à Berlin pour suivre une formation, donc en attendant son retour on a un peu levé le pied niveau concerts mais notre deuxième album est sur le feu, bouclé en grande partie, on pense le sortir l’année prochaine. J’ai hâte que les gens le découvrent !

DEADMEN, enfin, est beaucoup plus frais. C’est le premier projet musical que je crée moi-même. C’était au départ quelques idées de riffs dans le style stoner sans projet précis, juste une pulsion musicale très personnelle de longue date que j’ai ensuite développée avec un ami batteur. Puis c’est très vite devenu un style postcore assez torturé, le genre de musique que j’avais dans mes tripes sans vraiment le savoir et qui s’est d’un coup concrétisé. On a donc sorti fin 2014 notre EP, “Get Lost‘”. On a ensuite complété le line-up et fait nos premiers concerts, je suis enthousiaste et j’ai hâte qu’on se fasse connaitre !

Comment es-tu tombé dans l’univers de la musique et de la guitare en particulier ?

Très classique : j’apprenais quelques accords sur la gratte sèche de mon père, comme ça pour essayer, parce que j’avais 2-3 balades et des mélodies en tête que je voulais tenter de jouer. J’ai ensuite gratouillé un peu plus sur une folk, ça commençait à me plaire. J’étais pas du tout dans le metal, je trouvais ce monde bourrin et bruyant alors que j’y connaissais absolument rien. Puis un jour un pote m’a fait écouter METALLICA. Je me suis pris mon ignorance en pleine gueule et je suis tombé dedans :). J’ai bossé à l’usine un été, me suis acheté une gratte électrique et un ampli et j’ai passé des journées entières à apprendre du MACHINE HEAD, METALLICA, IRON MAIDEN, etc…

Damien CividiniQuelles étaient tes influences à l’époque ? Et quelles sont-elles aujourd’hui ?

J’évoluais au collège/lycée au milieu d’une bande de potes qui était assez hostile au metal, du coup j’étais un peu tout seul avec mes METALLICA et MACHINE HEAD, sous le bras à chaque soirée ! Je manquais de potes métalleux underground qui auraient pu m’ouvrir les oreilles à de nouvelles musiques, et c’est con à dire mais à l’époque le net n’était pas démocratisé comme maintenant, donc je me suis cantonné aux groupes les plus diffusés et accessibles. Les premiers, qui étaient KORN et SLIPKNOT m’ont retourné la tête et restent à mes yeux une référence de haute voltige, peu importe ce qu’on peut en dire maintenant. Je pense également rajouter IRON MAIDEN et DEEP PURPLE ainsi que  BLACK SABBATH à la liste. J’ai beaucoup beaucoup BEAUCOUP écouté DIRE STRAITS et PINK FLOYD, parce que Knopfleret Gilmour resteront toujours à mes yeux les deux plus grands génies de la guitare, de ceux qui cherchent l’émotion pure et pas la technicité phallique. Un peu de SLAYER aussi, puis GOJIRA est apparu et m’a pété la tête.

Aujourd’hui de par mon parcours ma discothèque s’est bien étoffée, les classiques sont toujours là mais BB King se retrouve rangé à côté de NAPALM DEATH, RADIOHEAD papote avec NASUM, Aretha Franklin fricote avec THE DILLINGER ESCAPE PLAN, SONIC YOUTH s’acoquine avec Neurosis, et le grind underground local comme mondial s’est répandu un peu partout (BLOCHEADS, Yacopsae, Ingrowing, Magrudergrind, Splitter et un paquet d’autres…).

Quel était ton matériel musical de l’époque et quel est-il aujourd’hui ?

Je suis assez old school niveau matos, parce que j’ai encore beaucoup de mal à retrouver dans les modélisations le grain que j’aime sur mon Peavey 5150. Oui ça crache ça bave et ça ronronne aussi délicatement qu’une tondeuse en balade sur du gravier mais j’adore ça. Je complète ça avec un égaliseur favorisant les médiums un peu agressifs et en avant !

Niveau gratte je suis un peu lésé parce que je suis gaucher, ce qui limite parfois mes choix, mais ma Jackson DK2L me
satisfait pour INHUMATE, elle en a pris plein la gueule et m’accompagne toujours, puis ma LTD EC-1000 fait bien le boulot pour DEADMEN et BLINDNESS.

J’ai jamais été trop attiré par le côté technique, peu de gratteux le pensent ou le reconnaissent mais c’est mon cas. Je veux juste que ça envoie le plus lourd possible. Je connais mon matos mais je ne suis pas du genre à passer 5 heures à trifouiller les potards pour LE son. En live je suis très satisfait de ce que j’ai et quand il s’agit d’enregistrer, je m’en remets à ceux dont c’est le boulot et la passion.

Tu es uniquement guitariste dans INHUMATE mais tu fais, en plus de la guitare, les chœurs dans BLINDNESS et le chant principal dans DEADMEN. Comment arrives-tu à gérer tout ça ?

Progressivement. Il y a 10 ans, j’aurais pas pu gérer tout ça. INHUMATE m’a permis de me familiariser avec la scène, c’est devenu un socle musical et humain indispensable. Ca m’a donné l’énergie pour d’autres projets. Dans INHUMATE , je fais la gratte mais pas les textes. Dans BLINDNESS je compose peu mais j’écris les textes. Ca donne un équilibre assez parfait. Dans les deux je gueule en backings. J’adore gueuler.
Dans DEADMEN je fais gratte/chant/textes. C’est du boulot mais encore une fois, ça vient de mes tripes, et je le fais avec toute l’énergie et la rage possible. J’ai bien pris garde à ne pas négliger quoique ce soit dans mes autres groupes quand de nouveaux projets naissaient. Se diversifier sans se disperser demande beaucoup de temps et d’attention. Trois répètes par semaines, plus des concerts, c’est chronophage, ça laisse moins de temps pour d’autre chose, donc c’est un choix à assumer que je ne regrette absolument pas. Je suis musicien amateur et autodidacte mais je suis heureux de ce que je peux vivre avec mes 3 groupes.

Te souviens-tu du premier concert que tu aies vu/donné ?

Le premier concert que j’ai vu je ne sais plus… Comme dit plus haut j’ai commencé à m’immerger dans le monde de la musique tardivement et tout seul, j’ai donc pas eu l’occasion de faire des tonnes de concerts au collège/lycée. Mais mon premier gros souvenir de live c’est le Rock Am Ring 2003. IRON MAIDEN et METALLICA, entre autres. J’ai pris une baffe monumentale.

Le premier concert que j’ai donné, techniquement, fut avec un petit groupe de reprises rock, un après-midi pluvieux tout
pourri dans un patelin pour distraire les touristes qui attendaient leurs cars. Je m’en souviens très peu mais je pense que
c’était une catastrophe totale, j’apprenais les titres le matin même, voire 30 secondes avant de les jouer pour de bon, mon pote gratteux me soufflait à l’oreille les accords vite fait (“Bon alors mec la prochaine c’est Mi mineur, La Mineur, Ré7 et Si7 dans le couplet. Go!!”). Ca ne devait pas sonner bien DU TOUT…
Par contre si on omet celui-ci, mon premier live en tant que gratteux plus… confirmé dirons-nous, c’était en février 2007, sur la grande scène de la Laiterie, mon premier avec INHUMATE. J’étais pétrifié, bordel. Pour une première j’avais un stress énorme. Puis les concerts se sont enchainés et le stress a laissé place au plaisir cathartique pur 🙂 Ce concert est un grand moment dans ma vie. Plein de choses ont changé grâce à ce concert.

Damien Cividini

Peux-tu nous expliquer comment les morceaux sont composés dans INHUMATE, BLINDNESS et DEADMEN ?

Avec INHUMATE, je viens en général soit avec une idée globale de compo et les riffs qui structurent tout ça, soit parfois
juste avec une dizaine de riffs en vrac et je leur propose. On garde ceux qu’on sent le mieux, puis on compose tous ensemble selon l’humeur du jour. Ca peut prendre 1 heure comme 3 semaines pour finaliser une compo, c’est jamais la même chose.

Avec BLINDNESS, Damien compose chez lui le titre avec une structure bien définie et réfléchie, on adapte un peu en répète mais ça reste souvent proche de ce qu’il avait prévu, il a une science de la composition très efficace. On étoffe ensuite avec la deuxième gratte et la batterie, ce qui fait qu’il y a toujours un peu de nous tous dans chaque titre. Ensuite je m’attaque aux textes et Damien les intègre à la compo. On a mis un an à composer le premier album, ce fut un travail vraiment rapide et intense. Pour le deuxième on s’est pris plus le temps, pour mieux réfléchir sur les compos.

Avec DEADMEN c’est un peu différent. Au début c’était plutôt des riffs en vrac qu’on arrangeait avec Pym (batteur) en répète. Maintenant on sait mieux ce qu’on veut, donc je prépare une compo chez moi que j’envoie à Pym, il travaille dessus avant la répète pour tester ce qui peut marcher avec une batterie programmée, et on teste pour de bon en répète. On gagne pas mal de temps et de recul sur les compositions en travaillant comme cela, tout en gardant l’intensité et la spontanéité de la composition live.

En fait la façon de composer dépend des membres de chaque groupe. Certains ne peuvent composer qu’en répète, d’autres aiment préparer le terrain chez eux pour être plus cadré en live, il faut s’adapter aux méthodes et atouts de chacun pour faire progresser au mieux chaque projet.

D’ailleurs, comment ont été accueillis ces différents groupes par le public et par la presse ? Quels sont les plans pour tes différents groupes dans le futur ?

INHUMATE avait déjà depuis longtemps une forte notoriété dans le milieu underground, je m’en suis vite aperçu quand j’ai intégré le groupe. J’ai eu beaucoup de chance d’être accueilli de la sorte par ces mecs qui baroudaient dans toute l’Europe depuis 15 ans. Le public nous soutient sans défaillir. La presse est souvent plus mitigée, soyons honnêtes. Le côté underground assumé et notre son brut et naturel sur album cassent les couilles de certains, public ou presse, mais on en a rien à foutre. On fait cette musique pour nous et pour ceux qui aiment. Ceux qui n’aiment pas passent leur chemin, et c’est très bien comme ça. On continue notre route, on compose, on joue, on sue, et les gens sont là.

Damien CividiniBLINDNESS manque encore de visibilité sur la scène française, malheureusement, car je crois énormément en cette musique. Cela dit, le premier album avait été bien accueilli, et je trouve que notre prochain est largement meilleur. On a fait quelques dates vraiment cool en 2014 malgré les soucis logistiques, on tient bon et on lâche pas. On sait que se faire un nom dans le milieu musical est difficile, surtout en France. On croit en ce qu’on fait et on a hâte de sortir notre deuxième bébé.

DEADMEN est tout frais, mais on compte bien nous faire connaitre en 2015. Sans me la raconter je suis assez content de notre EP, et on entame en ce moment-même les nouvelles compositions. On veut faire un max de concerts en 2015 pour partager notre musique autant que possible.

Pour l’ensemble de mes groupes je veux donner toute l’énergie possible et les faire avancer. Je ne parle pas de couvertures de magazines, hein, je parle de contacts avec le public et de compositions sincères. C’est ce qui me motive plus que tout.

Quel est ton échauffement/entrainement standard à la guitare ?

A l’époque quand je commençais j’essayais de faire des exercices bateau, des gammes et ce genre de trucs, mais ça me cassait les couilles au bout de 10 minutes. Alors je mettais du METALLICA, et j’apprenais les riffs, encore et encore, jusqu’à les maitriser au mieux. La douceur et la subtilité du jeu de Mark Knopfler m’a fait passer des nuits entières à essayer de jouer “comme lui” “Brothers in Arms” ou “Telegraph Road“. Ces mecs-là ont été mes seuls profs, et mes exercices c’étaient leurs albums.
Maintenant, quand je prends une gratte chez moi, c’est pour composer pour mes groupes. C’est aussi simple que ça.

Quel(s) conseil(s) pourrais-tu donner à un débutant ?

De suivre ce qui lui disent ses tripes. Apprendre par-coeur les solos de Satriani pour impressionner sa pote de collège c’est une perte de temps. La technicité est une base indispensable, mais le temps et l’énergie qu’on met dans ce travail dépend de ce qu’on veut. On ne va pas me dire que les SEX PISTOLS travaillaient leur gamme phrygienne en backstage avant de monter sur scène. Ca les a pas empêchés de faire ce qu’ils voulaient et de se trouver un public. Je n’ai jamais pris de cours de gratte mais ça reste une bonne démarche, ça évite de prendre des mauvaises habitudes dans sa piaule. Et le conseil majeur c’est de rien lâcher. Jouer à l’infini les riffs des groupes qu’on aime, en laissant peu à peu sa vraie personnalité s’exprimer, s’entourer de musiciens passionnés plutôt que techniques (si t’as les 2 alors banco). Ne pas viser la grande scène du Hellfest parce qu’on a réussi à rentrer un solo de Kirk Hammett dans sa piaule dimanche dernier. Sincère et persévérant, ce sont mes seuls conseils.

L’interview arrivant à sa fin, si tu as quelque chose à dire ou à partager, c’est le moment…

Merci à toi de m’avoir proposé cette interview. C’est agréable de pouvoir s’exprimer sans entrave comme ça. Évidemment,
j’invite les curieux à venir écouter mes groupes, y’en a pour tous les goûts normalement 🙂 Et surtout, surtout, à venir
papoter avec moi en concerts ici ou là, je ne fais ça que pour le partage, c’est là qu’est l’essence de ce que je fais. C’est
une chance de pouvoir exprimer son âme en musique et de, parfois, toucher les autres. Je compte profiter de chaque seconde.

Merci à Geoffroy Lagrange d’avoir interviewé Damien.

BLINDNESS

Site internet : http://www.blindness-music.com/
Page Facebook : https://www.facebook.com/Blindnessmusic
Merchandising : http://www.decibel-rebel.com/catalogsearch/result/?q=blindness

INHUMATE

Site internet : http://www.inhumate.com/
Page Facebook : https://www.facebook.com/pages/Inhumate/141009739260124?fref=ts
Merchandising : http://www.inhumate.com/prods_textile.html

DEADMEN
Page Facebook : https://www.facebook.com/DeadMenpostcore?fref=ts

Crédits photos : Psyrus Studio et Yael Paris

Merci à Geoffroy Lagrange d’avoir réalisé cette interview.

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