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MALEVOLENTIA : Interview de Dies

Dies, fondateur de MALEVOLENTIA, revient sur la discographie du groupe, ses débuts, mais parle également du dernier album paru, République, ainsi que de la suite.

Salut Dies, merci de bien vouloir répondre présent pour cette interview. Pourrais-tu nous parler de ton groupe, MALEVOLENTIA ?

MALEVOLENTIA existe depuis 2003, ce qui laisse un peu de temps pour avoir connu pas mal de changements aussi bien au niveau du line-up que dans notre façon de voir les choses et de les transmettre. Je ne vais pas te retracer tout le parcours, ça risquerait d’être un peu long. Je vais commencer directement par la conclusion. Aujourd’hui MALEVOLENTIA propose ce qu’on pourrait appeler, je pense, un Black/Death Orchestrale (j’évite le terme symphonique car il est bien trop souvent utilisé à mauvais escient) et vient de sortir un nouvel album sur Epictural Production qui reste dans la progression logique d’Ex Oblivion sorti en 2011.

Comment es-tu tombé dans l’univers de la musique et de la guitare en particulier ?

J’ai commencé par le clavier en autodidacte. Je ne saurais même pas te dire à quel âge. 6 ans ? peut-être 8 ans ? J’ai débuté la guitare assez tard, vers 15 ans. Je passais mes week-ends dans une salle de répète privée avec d’autres musiciens à reprendre tout et n’importe quoi (surtout n’importe quoi) en passant d’un instrument à l’autre selon les besoins.

En Parallèle, je prenais des cours pour rattraper mon retard sur les autres. Mon prof avait pour politique de faire passer ses élèves par tous les styles. Je me souviens avoir travaillé aussi bien jazz, punk, country, blues et surtout mes premiers morceaux de metal.

Mes influences à l’époque ? Je pourrais en citer dans tous les registres imaginables. Ça dépendait des autres musiciens présents et du nombre de bières ingurgitées. C’est encore un peu le cas aujourd’hui, peut-être à moindre mesure pour MALEVOLENTIA, mais je puise toujours l’inspiration dans beaucoup de styles musicaux. La musique folklorique en tête en ce moment mais c’est mon projet en cours qui veut ça.

Quel était ton matériel musical lorsque tu as débuté et quel est-il aujourd’hui ?

Ce n’était pas ma première guitare, mais j’ai joué assez longtemps sur une Yamaha. Tu sais, ces grattes avec une plaque transparente derrière laquelle tu pouvais mettre ton propre visuel.  Je ne me souviens plus du modèle. Pacifica peut-être ? Ça ne sonnait pas trop mal pour débuter et à l’époque je trouvais que ça avait de la gueule. (Je ne pense pas que je serais aussi enthousiaste aujourd’hui). En ampli j’avais récupéré un Valvestate V 80 qui avait déjà quelques années, que j’ai toujours et qui fonctionne encore très bien. L’obsolescence ne devait pas encore être très bien programmée.
Actuellement et ce depuis au moins 10 ans, je joue sur une LAG rockline metal master (version 1995) sur laquelle j’ai monté des micros EMG et sur 5150. Pour la Basse sur Ibanez SR305 et Crate BT220. Et enfin sur Roland XV 88 pour le clavier bien que je me serve presque plus que de séquenceur.

Revenons à MALEVOLENTIA qui a été créé je le rappelle en 2003. Comment l’aventure a-t-elle commencé et comment les morceaux sont-ils composés au sein du groupe ? Comment composes-tu les partitions de guitare ?

MALEVOLENTIA est né des cendres d’un autre projet qui a splité en 2001. J’ai continué à composer malgré tout et j’ai fini par me retrouver avec assez de matière pour un album. J’ai gardé par la suite cette habitude de tout composer en amont et de ne proposer aux autres que des morceaux quasi terminés que l’on peaufine ensemble. Je n’ai pas vraiment de méthode de composition. Parfois je commence par les orchestrations d’autres par la batterie. Il arrive que des parties initialement prévues pour le clavier passent à la guitare ou inversement.

Depuis le début l’orchestration classique est très présente au sein de MALEVOLENTIA. Composer ces parties ne posent-ils pas de problèmes ?

Ca rend surtout la composition en répétition compliquée mais une fois la base définie, c’est assez similaire à la composition des autres instruments. Les faire sonner correctement par contre prend beaucoup plus de temps. Je peux passer dix heures à associer des sons pour obtenir l’effet que je cherche sur un passage qui ne dure que deux ou trois secondes.

Votre premier album « Contes et nouvelles macabres » (2005) a été enregistré avec une boite à rythme. Est-ce un choix ou juste une obligation à ce stade-là ?

Une obligation malheureusement. C’est dommage car nous avons trouvé un batteur peu de temps après sa sortie. A moins que ce soit l’album qui nous ait permis de le trouver. Quoi qu’il en soit, malgré toute la reconnaissance que j’ai envers ma vieille boite à rythme et que je conserve comme une relique (une DR-550mkII), je l’aurais volontiers mise au placard plus tôt.

MALEVOLENTIA a la particularité d’avoir une chanteuse, chose relativement rare dans les rangs de groupes de black/death symphonique. Était-ce une prérogative dès la création du groupe ou as-tu préféré au final le chant féminin après plusieurs essais ?

La première personne qui m’a rejoint dans MALEVOLENTIA était un chanteur qui n’est resté que quelques mois. J’avais en parallèle un autre projet en cours avec notre première chanteuse et d’autres futurs membres de MALEVOLENTIA. Le line-up du premier album est en quelque sorte le résultat d’une fusion de ces deux projets. Il n’y avait aucune prérogative, voire même peu de chance pour que je me lance dans deux projets avec une chanteuse.

En restant dans le sujet du chant il est intéressant de noter que vos titres sont chantés en Français tout comme ANOREXIA NERVOSA, FURIA ou encore MISANTHROPE pour ne citer qu’eux. Considères-tu que notre langue doit être plus mise en avant, au lieu d’user de l’anglais comme bon nombre de groupe ?

Tout est entrain d’être raboté et uniformisé à grand coup de culture anglo saxonne. Je veux bien que ce soit la langue universelle du commerce, je peux comprendre de la part de musiciens professionnels ce besoin de s’uniformiser lorsqu’on mise sur une carrière internationale (Et encore… ), mais je fais du métal extreme. Je ne vends pas des aspirateurs et je ne vais pas remplir des stades.

Que sont des paroles si ce n’est de la poésie ? (enfin quand ce n’est pas dégueulé dans un anglais horriblement approximatif). Le français est une langue parfaite pour la poésie, pourquoi vouloir aller chercher ailleurs ? C’est une langue magnifiquement abstraite contrairement au pragmatisme de l’anglais (qui en fait d’ailleurs une langue assez facile à apprendre).
Ceci s’exprime d’ailleurs aussi dans d’autres domaines. La législation, la religion et même la cuisine, si pragmatiques chez les anglo saxon alors que si abstruse, subtile et raffinée en France. Une langue est le reflet d’une culture, partage des idées et des valeurs (que les moins de vingt ans et google trad ne peuvent pas connaître).
C’est triste de voir que le combat culturel ait été remporté si facilement par forfait. Même si évidement c’est un peu plus compliqué que ça.

Tes paroles sont d’ailleurs très recherchées, ce que je ne peux que saluer. Est-ce pour toi une facette très importante que de jouer sur les mots ? As-tu par ailleurs déjà pensés à sortir un concept album ?

La musique de MALEVOLENTIA est très cinématographique, j’ai voulu donner aux textes cette même dimension picturale. Avec « République » on n’est quand même assez proche du concept album. Il y a une trame principale avec cette influence Orwellienne évidente et assumée qui dresse les fondations de l’ensemble de l’album. L’ordre des morceaux respecte une certaine dialectique à laquelle le dernier titre « Eschatos » apporte une véritable conclusion.

D’ailleurs quelle est ta méthode de composition d’écriture au sujet des paroles ? Commences-tu tout d’abord par écrire les paroles et ensuite les mélodies, ou l’inverse ?

Là aussi il n’y a pas de règle. Je peux aussi bien adapter la structure d’un morceau aux paroles que l’inverse. Ce n’est pas toujours le cas mais pour « République » en tout cas, la plupart des textes sont écrits de la même manière. Je travaille avec deux thèmes en parallèle. Un thème « pictural » qui dresse le décors et un second qui porte l’information, le message que je souhaite transmettre.

Actuellement trois albums sont sortis, à savoir Contes et nouvelles macabres en 2005, Ex Oblivion en 2011 et République tout récemment, en 2016. Sans tenir compte du dernier album, peux-tu nous partager les retours dont tu as bénéficié concernant les deux premiers opus ?

Je n’irai pas jusqu’à dire que tout commence réellement avec Ex Oblivion, mais il est évident que l’engouement rencontré par le second album n’a rien de comparable avec C&NM. Nous avons bénéficié d’une excellente distribution en France et à moindre mesure à l’étranger. Nous avons reçu des message de soutien ou des propositions diverses des quatre coins du monde. Ça a fait beaucoup de bien à mon ego et à mon niveau d’anglais (rire). Mais ça ne nous a pas donné plus de budget ni de moyen pour Republique.

Au fil des années le groupe a subit un profond changement de lineup. Penses-tu que le lineup est à présent « finalisé » ?

Dans MALEVOLENTIA il y a de longues périodes où il ne se passe pas grand chose. Je compose seul, j’écris seul et j’ai beaucoup d’autres projets (musicaux et autres) en cours. Quand tout semble en standby, c’est évident que les autres ne t’attendent pas forcément est s’impliquent plus dans d’autres formations. Je pense que nous sommes partis pour faire les prochaines dates ensembles mais je ne sais pas ce qu’il en sera après la prochaine période d’inertie. Je sais que Raido et JC voudraient s’investir dans la composition. Le prochain album sortira peut être plus vite et permettra cette fois de ne pas en perdre quelques uns en route.

Après Baronne de Vénielle sur le premier album, vous présentez une nouvelle chanteuse, Spleen. Etre une femme était-il alors un pré-requis pour obtenir le poste de chanteur ?

Comme pour les débuts, ce n’était pas du tout un pré-requis. Nous avons testé plusieurs chanteurs avant d’intégrer Spleen. Nous avons même fait plusieurs concerts avec l’un d’entre eux.

Parlons à présent du nouvel album « République » qui vient tout juste de paraitre. Il y a des changements notables, dont la batterie qui me semble être plus rapide ainsi que la voix qui gagne en agressivité. Les orchestrations sont également plus complexes que par le passé. Est-ce dont ce que tu souhaitais depuis le début pour MALEVOLENTIA ou désires-tu repousser un peu plus loin les limites de l’extrême ?

Je me suis fixé beaucoup d’objectif et je crois qu’au final je ne me suis tenu à aucun donc j’ai arrêté. J’ai souvent une idée globale mais je laisse la composition aller où elle veut en fonction de ce que j’ai envie de faire sur le moment. Une fois le tout dégrossi, chaque musicien apporte aussi des modifications sur ses parties et leur donne une couleur parfois tout autre que celle prévue à l’origine. Je préfère ne pas savoir avant l’accouchement.

Si l’on prend un titre comme « Alma Mater » ce dernier est très mélancolique, tant par la mélodie que par la voix. Est-ce un nouveau visage du groupe que tu souhaites mettre en avant ?

J’ai travaillé la structure de cet album non pas morceau par morceau mais dans son ensemble comme s’il s’agissait de la bande son d’un film. Il n’y a pas de couplet, pas de refrain mais des thèmes qui sont déclinés et que l’on retrouve d’un morceau à l’autre. C’est cette vision globale qui m’a amené à composer des moments d’accalmie plus longs que sur les précédents albums et à travailler des morceaux complets sur des tempos qui ne nous étaient pas familiers. J’ai tellement une vision globale et indissociable de l’ensemble album que j’ai du mal à percevoir ce que peut donner l’écoute de ces morceaux seuls et isolés du reste. C’est encore assez difficile de répondre à cette question, il me faudrait un peu plus de recul.

République, c’est le nom de ce dernier album. Quels sont les thèmes sous-jacents et quelles idées désires-tu partager ?

« République » traite des coulisses de la France post-révolutionnaire et contemporaine à travers certains événements clefs comme les guerres napoléoniennes, la révolution de 1848, la commune de Paris… Il fait également un parallèle entre nos sociétés occidentales et les dystopies d’Orwell de 1984 et de la Ferme des animaux. Pour donner quelques exemples, « Annuit Coeptis » parle de l’Etat profond, de la toute puissance fascisante de la banque, des lobbies et des corporations et des véritables vocations des guerres. « Qohelet » aborde le processus d’individuation et d’aliénation par le spectacle de la marchandise. Dans « ordo ab chaos », c’est la violence de la logique mondialiste qui est décrite à travers ces différents protagonistes.

Le dernier album, est sorti en 2011, mais qu’en est-il de la préparation de République. Certains titres étaient-ils déjà prêts depuis 2011 ? Comment et où s’est déroulé l’enregistrement ?

Il y avait bien quelques idées mais rien de construit. J’avais déjà en tête avant même de commencer à composer, de faire quelque chose de plus conceptuel. Utiliser des thèmes et les décliner tout au long de l’album rend le travail de structure beaucoup plus compliqué. Il y a eu d’abord une longue période de stockage d’idée avant de commencer à lier l’ensemble. Puis les morceaux ce sont tous enchainés assez rapidement et les autres musiciens se sont retrouvés presque d’un coup avec un album complet à travailler.
Nous avons fait l’enregistrement nous même sur plusieurs mois, ce qui a permis de pouvoir modifier, corriger, transformer jusqu’au dernier moment si bien que certains ont redécouvert leurs parties après les avoir enregistrées. Pour la partie mixage et mastering, nous avons travaillé avec Brett du Tower Studio qui avait déjà une bonne expérience des orchestrations assez massives avec beaucoup de pistes.

Si je sors ma calculette je peux voir que chaque album sort à peu près tous les cinq ans. Devrions-nous attendre jusqu’en 2021-2022 pour voir un prochain album ? Quelle est l’actualité du groupe pour le reste de l’année ?

Nous allons commencer par une pause de quelques mois puisque Spleen attend un heureux évènement pour cet automne. Nous verrons donc ça plus tard en 2017. Pour ma part j’ai largement de quoi faire en attendant. Je vais en profiter pour me consacrer à mes autres projets. Je travaille actuellement sur les orchestrations du prochain HEIMSGARD dont le premier album est sorti récemment également sur Epictural Production ainsi que sur les enregistrements du prochain EINSICHT et du premier SATURNUS TERRORISM à venir.

L’album sort sous le label Epictural qui semble être ta propriété. Peux-nous partager des détails au sujet de ce label ?

A l’origine, Epictural n’était pas du tout un label mais un regroupements de musiciens/ compositeurs de musique épique (d’où le nom). (Enfin quand je dis regroupement… disons un binôme qui, à son apogée, est passé brièvement par trinôme. On est loin des légions de Varus). Je me suis servi de cette structure déjà déclarée en association pour produire Ex Oblivion et négocier les contrats de distribution. Avec le temps ce sont ajoutés d’autres groupes comme EINSICHT , HEIMSGARD et bientôt KARNE et un autre groupe. D’ici quelques jours nous allons également proposer un catalogue de distribution qui sera peut être en ligne d’ici à ce que cette interview soit publiée. (www.epictural.fr)

L’album est également distribué par Season Of Mist, pourquoi avoir choisi SOM et non un autre distributeur ?

Je connaissais déjà David (le responsable de la distribution) avant d’avoir à démarcher pour trouver un distributeur. Je n’ai donc pas vraiment cherché ni comparé. Mon choix s’est instinctivement porté sur SOM et bien m’en a pris car ils font un travail remarquable.

Le groupe est originaire de Belfort qui est connu pour Kronos entre autre. La région du territoire de Belfort est-elle propice au métal et se porte-elle bien ?

Les membres de Kronos sont Lorrains il me semble. Ce n’est pas très loin mais ce n’est pas le territoire (oups) Ca fait quelques années que je ne suis plus trop ce qui se fait dans la région, je ne saurais même pas répondre à ta question. A part « Au delà » (l’autre groupe de JC Reiss notre batteur) IMPERIUM, EINSICHT et  RECUEIL MORBIDE s’ils existent encore, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de Metal Extreme à Belfort ou alors il faut que je sorte un peu plus souvent de chez moi.

Quelle est ta vision actuelle de la scène métal ? Et que penses-tu de la scène métal française actuelle ?

Je ne saurais pas être très objectif. J’ai du mal à intégrer de nouveaux albums à ma liste. Non pas que je sois hostile à la scène actuelle, mais mes nouvelles découvertes ne sont pas du tout dans ce registre.

Je te remercie pour tout ton temps accordé. As-tu des derniers mots pour Guitariste-Metal.fr / général ?

Merci à toi de m’avoir laissé m’exprimer et à ceux qui prendront le temps de lire ces lignes.

MALEVOLENTIA

Facebook : https://www.facebook.com/malevolentia.france?fref=ts

Epictural : http://epictural.fr/index.php?

Silenius

Gérant du site.

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