Souvenez-vous, il y 20 ans, l’album Sehnsucht de RAMMSTEIN sort dans les bacs. Retour en arrière avec cette chronique qui vous remet dans le contexte la sortie de l’album.
Je me souviens, août 97, il fait 34°C non loin de la frontière Allemande, j’ai 30 ans dont plus de 10 passés à mes heures perdues à écumer les disquaires de ma ville, au rythme du clac-clac-clac des CD qui défilent dans les bacs.
J’ai le front qui perle et quelques galettes sur ma wishlist du jour quand dans les “R” je tombe sur cette pochette noire arborant le visage d’un type au regard révulsé, équipé de ce qui ressemble à du matériel de torture lui maintenant la bouche ouverte…
RAMMSTEIN vient de sortir Sehnsucht, l’album qui leur fera conquérir la notoriété internationale et donnera lieu au live le plus mythique du groupe, Live aus Berlin !
Ces légitimes représentants de la Neu Deutsche Härte (littéralement “la nouvelle dureté allemande”) précédés en 1989 par les non moins célèbres teutons de Oomph!, avaient déjà marqué les esprits avec Herzeleid sorti en 1995 mais de manière bien plus confidentielle.
L’album dont l’artwork représentait le groupe, pectoraux biceps et torses-nus bien huilés sur fond de fleurs flashy façon propagande communiste (ou nazie selon les avis), il n’en fallait pas plus pour les faire passer pour un groupe de fachos auprès des moins bien équipés d’entre-nous, cérébralement j’entends !
Cet artwork aura donc admirablement bien rempli son rôle, attisant la curiosité de pas mal de monde qui seraient passé à côté de ce métal martial, froid au possible à tendance EBM dont l’inimitable et charismatique leader s’exprimait déjà dans la langue de Goethe.
J’avais en tête deux titres qui n’étaient pas passés inaperçu sur la BO des excellents Lost Higway et Matrix, respectivment “Rammstein” et “Du Hast”.
Pour les guitaristes en herbe ne manquez pas notre cours en vidéo pour jouer ce titre !
La sortie de Sehnsucht la même année que la perle de David Lynch (ayant propulsé à grande échelle les excellents titres “Rammstein” et “Heirate mich”) bénéficiera donc de ce magistral coup de pub non négligeable… à l’ère pre internet !
Il faut se rappeler à ce moment qu’à part Nina Hagen et Nena, il n’y avait quasiment aucun groupe s’exprimant dans la langue de Goethe ayant une chance de passer la frontière, à l’exception de Stephan Eicher mais pour ses tubes francophones (à noter pour les fans de CORONER, la présence du guitariste sur le live Non ci badar, garda et passa)…
L’artwork révèle côté pile sur fond noir mat, les visages du line up équipés tels des fétichistes de matériel de torture.
Côté face, le contraste avec probablement un clin d’oeil au lieu d’enregistrement de l’album (le Temple Studio de Malte), une plage et ses palmiers sur un fond azur paradisiaque flanqué des textes des morceaux.
Sehnsucht est né sur des fondations certes jeunes mais déjà solides, le groupe ayant d’ores et déjà savamment mis au point leur recette. Les morceaux sont articulés autour d’une base rythmique simple et efficace faisant la part belle aux guitares, qui bien que simplistes (à peu de chose près limitées à des power chords et pas de solo, fait plutôt rare dans le métal) sonnent comme des hachoirs saccadés, secs et tranchants à souhaits sur des patterns majoritairement binaires à la précision chirurgicale.
On notera l’usage d’harmoniques sifflés notamment sur l’excellent “Du reichst so gut” qui en font la marque de fabrique et viennent apporter des sonorités nouvelles. Le clavier, souvent en charge des ouvertures des morceaux, apporte la base mélodique des morceaux et soutien la voix sur les parties mélodiques. La basse, quant à elle, reste plutôt discrète et se contente bien souvent d’apporter un peu d’épaisseur à l’ensemble sans faire de zèle.
Mais l’identité du groupe vient en grande partie de la voix qui en plus d’assumer sa langue maternelle (on notera que les quelques titres sortis en anglais sonnent nettement moins bien que les versions originales), sonne gutturale, non pas dans le sens Death-Metal du terme mais plutôt à la façon d’un Mark Lanegan ayant décidé de chanter en Allemand un lendemain de cuite, magnifique non ?
L’album démarre sur un sample aux sonorités orientales rappelant l’appel du Muezzin, vite rattrapé par un rythme binaire bien martial, marque de fabrique du groupe.
Le son des guitares est froid, tranchant et la rythmique demeure elle aussi bien mécanique.
Tel un instrument à part entière, les parties de synthés bien typées années 80 font partie intégrante des morceaux et lient à merveille les différentes parties instrumentales avec un côté plus mélodieux que par le passé et prend de l’importance sur cet album.
Les parties de voix sont majoritairement chantées et non plus parlées. La collaboration voix/synthés se resserre et Till nuance beaucoup plus la puissance de ses parties de voix donnant ainsi une plus grande dynamique aux morceaux.
Globalement, le son a gagné en chaleur, (on sent une production plus léchée) mais la recette reste la même avec ces rythmiques toujours bien saccadées sur fond de binaire martial survitaminé. On y trouve toujours un “slow”, “Seeman” sur “Herzeleid”, “Klavier” sur “Sehnsucht”.
La grande évolution vient des mélodies toujours assurées par le duo voix synthés qui viennent sublimer les compos (“Alter Man” par exemple avec ses superbes parties de synthés) de ce deuxième album qui devient plus accrocheur sans dénaturer le style du groupe ni jamais sombrer dans la “tentative commerciale” (à en juger par les thèmes abordés dans les textes : déviances sexuelles, inceste, manipulation…).
Le chant reste grave, sombre et inimitable… inimitable, probablement le meilleur compliment que l’on puisse faire à un chanteur non ?
Sehnsucht est devenu incontestablement la pierre angulaire de la discographie de Rammstein, l’album de la consécration pour ne pas dire leur “Black Album” (tant l’évolution du son, des compos et de la notoriété est comparable).
Un grand merci à Steve pour l’écriture de cette très belle chronique.
Et vous, que pensez-vous de cet album ?